Championnat disparus (5/5) : La BeNe Ligue féminine

La Belgique et les Pays-Bas dans un même championnat de foot ? Les garçons en rêvent, les filles l'ont fait.
La Belgique et les Pays-Bas dans un même championnat de foot ? Les garçons en rêvent, les filles l'ont fait. / DAVID CATRY/Getty Images
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Quel est le point commun entre la Ligue 1 et la BeNe Ligue féminine ? Contrairement à la Bundesliga il y a un mois, à la Liga le week-end dernier ou encore la Premier League cette semaine, ces deux championnats ne reprendront pas. Grosse différence cependant : c'est à cause de décisions politiques pour la L1, alors que la BeNe Ligue féminine... n'existe tout simplement plus depuis 2015 !


"Pour la Belgique, cette union est une aubaine." Marc Lesenfants, président de la commission du football féminin au sein de la Fédération belge, a rapidement mis en lumière le problème de la BeNe Ligue. Avant même que sa première saison ne démarre, son unilatéralité dans les bienfaits était en effet décelée...

Création : Un championnat (trop) avant-gardiste

Pourtant, l'idée avait de la gueule. Afin de donner un élan supplémentaire au football dans le BeNeLux, les fédérations néerlandaise et belge ont en effet poussé auprès de l'UEFA au début des années 2010 pour obtenir un championnat unifié. Un débat qui revient également aujourd'hui chez les garçons.

Après trois mois de négociations, l'instance européenne a donné son accord le 23 mars 2012 et la toute première Ligue mêlant deux pays distincts est ainsi née. Enthousiasme à foison, à l'image de Daphne Koster, la capitaine des Pays-Bas à l'époque :

"Nous sommes satisfaits ! À partir de l’année prochaine, nous aurons structurellement plus de matches et plus de rythme au cours du championnat. Celui-ci sera plus intéressant au niveau commercial et des médias. Durant les play-offs, les meilleures joueuses des Pays-Bas pourront en outre se mesurer aux meilleures en Belgique, ce qui est un beau défi."


Pour la première saison, tout va bien. Huit clubs néerlandais et huit clubs belges ont joué un championnat séparé tout d'abord, afin de définir une hiérarchie. Les quatre meilleurs de chaque côté se sont ensuite rassemblés pour disputer une BeNe Ligue A, tandis que les quatre moins bons se sont retrouvés pour jouer une BeNe Ligue B.

Puis à partir de l'année suivante, une poule unique à 16 s'est tenue. Enfin... Saint-Trond VV a déclaré forfait juste avant le début de la saison et le FC Utrecht a fait faillite après cinq mois de compétition. Elles ont donc fini à 14 et redémarré... à 13. Le Royal Antwerp FC Ladies a en effet préféré jeter l'éponge avant le début de la compétition, sous peine de subir des problèmes financiers trop importants.

Les prérequis financiers pour assumer les aller-retour entre Belgique et Pays-Bas étaient parfois trop exigeants...
Les prérequis financiers pour assumer les aller-retour entre Belgique et Pays-Bas étaient parfois trop exigeants... / VI-Images/Getty Images

Et voilà, c'est déjà terminé. Dès le mois de décembre, la Fédération néerlandaise a mis fin à son partenariat avec la Fédération belge et donc condamné la BeNe Ligue. Officiellement, la KNVB n'a pas trouvé un accord avec ses différentes équipes au niveau économique. Officieusement, la rentabilité trop faible et le bénéfice trop important pour leurs voisins belges, à la fois financier et sportif, était pointé du doigt.

Chaque nation a donc remis sur pied son propre championnat. Comme si de rien n'était du côté des Pays-Bas, toujours sous statut professionnel, mais désormais dans son coin. Avec un nombre de licenciées en Belgique qui a quasiment triplé en trois ans, passant de 15 000 à 42 500. Cécile de Grenier, membre de la Fédération belge livre même un constat positif :

"La plupart des clubs belges avaient 5 à 6 ans de retard sur nos voisins lors de la première année de la compétition, mais une grande partie de ce décalage a été gommée. Les résultats des équipes belges se sont sensiblement améliorés lors des trois dernières années et cette compétition belgo-néerlandaise a constitué un boost positif pour le football féminin en Belgique."

Équipe : Le tout-puissant FC Twente

À l'image de l'Olympique Lyonnais en France, le FC Twente était avant-gardiste dans son approche du football féminin. Dès le mois de juillet 2006, il a ainsi été le premier club néerlandais a lancé un programme pour créer une section féminine professionnelle. Ce qui a porté ces fruits au bout de quelques années, avec des places de championnes et de vice-championnes des Pays-Bas.

La première saison de BeNe Ligue 2012-2013 a donc été entamée pleine de confiance. Avec 10 victoires, 4 nuls et aucune défaite, la qualification en BeNe Ligue A a été assurée haut la main. Son plus grand rival s'est alors nommé le Standard de Liège, même si le club belge est vaincu par deux fois (3-1, 3-1). Et Twente a ainsi décroché son premier titre de champion, avec deux points d'avance sur le Standard.

La saison suivante, rebelote. Les Néerlandaises ont écrasé la majorité des clubs belges, à coup de 7-0 (4 fois), 9-0 (2 fois) ou encore 9-1 (1 fois). Elles ont terminé meilleure attaque du championnat (104 buts en 26 matchs). Ellen Jansen en a profité pour claquer 24 pions cette année-là. Seul le Standard de Liège, à nouveau, a réussi à tenir le rythme infernal de leurs rivales en terminant deuxième du championnat, à deux petits points, encore...

Le dernier exercice a néanmoins vu les rôles s'inverser puisque que ce sont les Belges qui ont raflé le titre, pour deux points (!) au FC Twente. Au total, les Néerlandaises ont tout de même remporté 62 des 78 rencontres de BeNe Ligue qu'elles ont disputées dans leur histoire, pour seulement huit défaites et une moyenne de 3,1 buts par match !

Match : Un 13-0 symptomatique...

Parce que oui, si Twente a tant dominé son sujet, c'est parce qu'il y existait un écart de moyens alloués bien trop important. L'exemple le plus marquant provient de la saison 2013-2014. Le KAA Gent Ladies était alors un promu, non pas en qualité de champion de deuxième division, mais parce que le premier et le deuxième du classement ont refusé de monter puisque sachant pertinemment que leur club n'allait pas assumer financièrement...

Gand a, lui, tenté sa chance, mais même malgré l'appui de la section professionnelle masculine, le saut était bien trop grand. Des 26 journées de championnat, elles n'en ont ainsi remporté que deux, pour trois nuls et 21 défaites. Pire encore, elles ont encaissé 115 buts (!), soit 45 de plus que la deuxième plus mauvaise défense du championnat...

La plus grosse défaite de l'histoire de la BeNe Ligue est, presque logiquement, à mettre à leur actif. Elle est survenue contre le Standard de Liège, lors de la 23e journée. Les Liégeoises étaient deuxièmes du championnat à l'époque, simplement devancées par Twente à la différence de buts (12 buts derrière). Un retard effacé... en un match ! KAA Gent s'est en effet incliné 13-0 ce jour-là. Aline Zeler et Maud Coutereels se sont offertes un quintuplé, toutes les deux. Il faut dire que le carton rouge récoltée côté Gand (30e minute de jeu) et les trois penaltys concédés n'ont pas aidé...

À la mi-temps, le sort de la rencontre était déjà scellé puisque l'écart était déjà de sept buts. Un soupçon d'aide belgo-belge justifiable pourrait survenir. Mais à l'aller, le score état déjà fleuve (8-0) et surtout deux semaines plus tard, Gent a remis les compteurs de différence de buts quasiment à la normale en perdant 9-1 contre le FC Twente...

Palmarès : Twente, le Standard de Liège, et puis voilà

En trois saisons, difficile d'établir une dynastie. Néanmoins, le FC Twente et le Standard de Liège ont bel et bien marché sur la concurrence avec deux premières place et une deuxième place pour les Belges, l'inverse pour les Néerlandaises. De quoi nourrir une très belle rivalité belgo-néerlandaise et donner ainsi du corps et une belle légitimité à ce championnat unifié.

L'Ajax Amsterdam, créée en vitesse pour faire partie de l'aventure BeNe Ligue, a démontré qu'avec des moyens, il était facile d'acheter une place dans le haut du tableau. Pour les trois premières saisons de leur histoire, les féminines ont en effet terminé quatrième, puis troisième et encore troisième...

Pour autant, la problématique financière vient donc toujours poser sur ombre. Des clubs ont investi et directement atteint les places d'honneurs, d'autres étaient visionnaires dans leurs pays et ont joué les premiers rôles, d'autres encore ont pâti d'une promotion difficilement surmontable, tandis que les fédérations elles-mêmes n'ont pas voulu continuer. Le directeur du football amateur néerlandais, Hans Spierings se veut pragmatique :

"Nous voulons bien poursuivre la BeNe League, mais elle doit être économiquement intéressante. Il faut une autre clé de répartition entre nos clubs et les Belges. Le football féminin n'est pas comparable dans les deux pays. Les clubs belges en profitent plus que les nôtres, et pourtant nos voisins du sud apportent une contribution bien plus petite, et restent bien loin sportivement derrière le Standard de Liège."

Enfin, comme vous l'avez compris, l'une plus que l'autre. Et c'est peut-être ce qui attend ces Messieurs s'ils se décident à lancer une formule équivalente...