Entretien - Footsider, quand l'engagement social facilite le recrutement des clubs de foot
- Footsider a vu le jour en début d'année 2023
- Des joueurs comme Ronaldinho et Yacine Brahimi se sont associés au projet
- Plus de 125 000 utilisateurs ont rejoint l'application
Par Quentin Gesp
Alors que les yeux sont rivés sur la fin des championnats, nombreux sont les joueurs dont le cours de la carrière va basculer. Dans les centres de formation, les listes des jeunes non-conservés sont communiquées, faisant leur lot de déçus.
Pour contrer ce phénomène et offrir une deuxième chance à ces milliers de joueurs, aux portes de devenir professionnels, Footsider a vu le jour, facilitant la recherche de nouveau club pour les joueurs, tout en offrant aux équipes en manque de profils de trouver le talent qui leur correspond, au niveau professionnel comme amateur. Entretien avec l'un de ses co-fondateurs, Rihane Mouhib.
90min - Quel est le principe de Footsider ?
Rihane Mouhib - Avant d'évoquer le principe, je vais vous expliquer un peu le constat que nous avons fait. La genèse du projet, elle vient de l'Académie Seconde Chance. C'est une association qu'on a créée en 2019. On était parti d'un constat où l'objectif, c'était de donner une seconde chance aux jeunes joueurs qui ont été non conservés dans les centres de formation, mais aussi de donner une chance aux jeunes joueurs du milieu amateur qui n'ont jamais pu intégrer les centres de formation.
Je suis enseignant en école de commerce depuis plus de 12 ans. Avec Malik Chekaoui, qui était mon élève, on a monté cette association avec Lyes Brahimi, le frère de Yacine Brahimi. On a monté cette asso. Cela nous permet d'organiser tous les moyens de détection et 90% de notre activité est en France. C'est totalement bénévole, nous sommes quasiment 10 personnes bénévoles sur cette asso.
Nous avons vu plus de 15 000 joueurs et avons invité plus de 300 clubs professionnels et amateurs. Et là, le COVID arrive et on se dit : "Zut, il y a le COVID et les clubs nous appellent pour organiser des détections, ils veulent des joueurs." Les joueurs aussi nous appellent pour essayer de trouver des clubs, on s'est dit que c'était peut-être le moment, justement, de digitaliser le concept.
90min - Donc l'idée c'est de faciliter le lien entre les joueurs et les clubs ?
R.M - Exactement. En digitalisant le concept, forcément, on allait toucher beaucoup plus de personnes et le développement irait beaucoup plus vite. Yacine Brahimi, un joueur qui a été formé à l'INF Clairefontaine, qui a joué à Rennes, qui a été une année au PSG, qui a été à Porto, élu deux fois meilleur joueur de la Ligue des champions avec Porto, etc, nous a accompagné sur l'Académie Seconde Chance. Il nous a dit : "Moi, je crois totalement à ce projet-là parce que le but, c'est d'aider justement les jeunes. Je vous accompagne aussi sur ce projet-là, Footsider, et je peux vous présenter un de mes amis, qui est Ronaldinho. Vous allez avoir une certaine visibilité internationale grâce à lui."
On a travaillé avec Malik Chekaoui et Lyes Brahimi sur le concept et justement, on a monté l'application Footsider. L'objectif, c'est de mettre en relation les joueurs et les clubs. C'est une sorte de LinkedIn. C'est comme ça que nous nous sommes lancé avec une plateforme. La vraie définition, c'est une plateforme de matching entre les joueurs amateurs et les clubs amateurs et professionnels.
Notre objectif est double. On met en relation les joueurs amateurs et les clubs amateurs. Par exemple, j'habite Toulouse, je cherche un club à Bordeaux, Je vais sur l'application, je vois les annonces, je peux émettre mon annonce : "je joue en D4 et je veux jouer en R1". Je vais sur l'application, je postule. Il y a des offres de clubs et je peux aussi moi-même proposer mon profil. Ça, c'est le volet amateur. Pour nous, on est un outil pour contribuer au développement du football amateur.
Mais il y a aussi l'autre aspect, professionnel, où notre objectif, c'est de donner de la visibilité aux jeunes joueurs qui viennent du milieu amateur ou les jeunes joueurs qui ne sont pas conservés dans les centres de formation.
90min - Et par quel biais permettez-vous à ces joueurs de se montrer à ces clubs ?
R.M - Nous organisons des scouting days (journées de détection, ndlr). Nous en avons déjà organisé trois. Et justement, l'objectif, c'est qu'on organise des détections physiques devant des clubs professionnels. On a organisé la dernière le 19 avril dernier, il y avait 35 clubs professionnels et certains joueurs sont partis à l'essai, dont un qui est encore cette semaine à Lens et un qui a été pris au SCO Angers. Et sur l'autre scouting day, il y en a un qui a signé à Bologne, il y en a un qui est allé au Paris FC, etc.
Il y a ces deux volets : le milieu amateur, qui permet de contribuer au développement du football amateur, proposer plein d'opportunités pour les joueurs et les clubs, mais aussi offrir cette passerelle, "être facilitateurs", pour les jeunes qui veulent devenir pros.
90min - Qu'est-ce qui vous a poussé à créer ce concept d'application ? Êtes-vous, vous-même, un ancien joueur ? Est-ce que c'est en voyant simplement une opportunité de marché ?
R.M - J'allais dire que cela vient de mon ADN de prof, puisqu'on a créé l'Académie Seconde Chance avec Malik. Nous avons cet ADN social, avec la volonté de vraiment aider les jeunes. Parce qu'on a même fait d'autres actions qui n'ont rien à voir, mais pour aider les jeunes, sensibiliser les jeunes à l'emploi, etc.
Et après, Lyes et Yacine Brahimi, ce sont eux qui ont cette "vision football" et qui ont vu un vrai apport. Même avec Ronaldinho, ils ont compris qu'il y avait dans leur entourage des joueurs qui n'avaient pas eu cette chance. Tous ont dit: "Oui, il y avait des super joueurs dans notre entourage qui n'ont pas pu percer parce qu'ils n'ont pas eu cette seconde chance ou qui n'ont pas eu, justement, une application de ce genre pour multiplier leurs chances."
90min - L'objectif est-il, à terme, d'internationaliser ce concept ?
R.M - Exactement. L'anecdote qu'on a avec Ronaldinho, c'est que Yacine Brahimi nous a dit: "Il y a Ronaldinho à Paris. Vous avez 20 à 30 minutes pour convaincre Ronaldinho pour qu'il soit ambassadeur de l'application." C'était l'objectif.
On a passé plus de deux heures et demie avec lui et son frère, Roberto. Ils ont dit : "Non, nous, si on vient, c'est pour être associés. Parce que le projet, on l'a compris, ça nous parle énormément et notre objectif, c'est d'aider tous les jeunes dans le monde entier à trouver des opportunités." Justement, l'objectif, c'est de s'internationaliser. On est fermés aujourd'hui uniquement à la France. Notre CTO, notre développeur, a ouvert une fois pendant huit heures l'application à l'étranger et on a eu plus de 5 000 inscrits dans différents pays. Ça nous a vraiment parlé. On s'est dit : "Non, on ne peut plus rigoler. Là, il faut vraiment qu'on ouvre à l'international."
90min - Pourriez-vous nous expliquer, étape par étape, comment rejoindre l'application ?
R.M - C'est très simple. Comme le principe de LinkedIn, l'application est gratuite pour le joueur, l'application est gratuite pour le club. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il y a toutes les opportunités, les annonces des clubs : "je cherche un attaquant, je cherche un défenseur, etc." Les joueurs peuvent consulter toutes les opportunités.
Il y a aussi quelque chose qui est très important pour nous, c'est les vidéos tutos. Ce sont des vidéos avec du contenu exclusif, gratuit, où les joueurs peuvent regarder des capsules qui durent entre 5 à 8 minutes, où des directeurs de centres de formations parlent, des arbitres, des préparateurs physiques de clubs pro, des nutritionnistes de clubs pro, des joueurs pros, des anciens joueurs pros donnent des conseils. Pour nous, ça, c'est hyper important parce que ça crée aussi une légitimité au niveau des conseils. Moi qui suis prof, je ne peux pas dire à un joueur : "Il faut que tu sois sérieux, il faut que tu sois comme ci, comme ça." En revanche, un joueur pro, s'il lui en parle, si le joueur pro explique toutes les erreurs qu'il a pu faire, ça parle aux joueurs.
Si un préparateur physique ou un analyse vidéo dit "j'ai joué au foot à petit niveau et grâce au football, j'ai pu faire telle ou telle formation", pour nous, ç'a un impact social fort. Cette partie-là est très importante. Tous ces accès-là sont en illimité.
Si le joueur veut candidater de manière illimitée, il peut payer un abonnement premium. Sinon, il peut candidater une fois par mois.
90min - Et le premium, en quoi cela consiste ?
R.M - Il a simplement un accès illimité. Il paye 8,99 € par mois sans engagement et il peut candidater à toutes les offres qu'il peut y avoir : les demandes de clubs, il y a des phases de détection de clubs, il y a des matchs amicaux, etc.
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90min - Et pour les clubs, les annonces sont gratuites ?
R.M - Exactement, c'est totalement gratuit. Ça sera toujours gratuit. Nous, on n'est pas du tout agent, donc on ne prend rien s'il y a un "matching" entre les deux. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'on a aussi des clubs qui nous demandent d'organiser des voyages, des séjours, des stages.
On en a organisé un à Paris, par exemple, le 8 janvier dernier, pendant une semaine, à Antalya (Turquie). On a emmené 20 joueurs de l'application qui sont venus et qui ont joué contre des clubs turcs de deuxième division, un club allemand de troisième division, un club chypriote de première division et un autre de deuxième division. Parce que, pendant la trêve hivernale, tous les clubs viennent à Antalya.
On est aussi partis à Saragosse (Espagne) pendant une semaine. On a aussi organisé un match amical contre la Real Sociedad. On est partis avec le Stade Lavallois : il y a aussi des clubs de Ligue 1, Ligue 2 avec qui on organise des matchs amicaux. Voilà un petit peu ce qu'on fait.
90min - Au niveau des liens que vous avez avec les clubs, comment cela se caractérise-t-il ? Comment réussissez-vous à les convaincre d'utiliser l'application et de, peut-être, recruter certains joueurs ?
R.M - Pour nous, lorsqu'on organise des scouting days, c'est là où on crée notre légitimité. Je vous donne un exemple : à chaque scouting day, les recruteurs viennent, disent : "Pour voir 100 joueurs de qualité, il me faut peut-être un an pour les voir. Alors que là, sur une journée, je les vois." Donc déjà, sur ça, effectivement, les clubs reviennent.
Ensuite, il y a aussi d'autres clubs qui sont dans le volet RSE (Responsabilité sociétale des entreprises, ndlr). Ça, pour eux, c'est très important. Et notamment le premier, et je tiens à le remercier, c'est le président Lairy du Stade Lavallois, qui a tout de suite compris qu'effectivement, en créant un partenariat avec nous, avec l'application Footsider, c'était très simple.
Tous les joueurs qui ne sont pas conservés au centre de formation, par exemple, du Stade Lavallois, on les accompagne pendant un an pour leur trouver des opportunités. Donc, le Stade Lavallois ne lâche pas dans la nature ces joueurs-là. Je ne vais pas dire le nom des clubs, mais on a des joueurs qui ont été huit ans en centre de formation et dont le père nous a dit: "Ils ont viré mon fils en deux minutes." Huit ans dans un club et on le vire en deux minutes, il y a des gamins qui sont partis en dépression.
Il y en a en échec scolaire après. Il y a même des parents qui ne savent même pas ce que c'est que la N3 ou la R1, donc ils ne savent même pas ce que doit faire leur enfant par la suite.
Pour donner un exemple concret : Yanis Saïdani, gardien du PSG. Il a disputé la Youth League, il a fait des bancs de Ligue des Champions. Il était avec Kylian Mbappé, Keylor Navas et il se retrouve sans club à la sortie du centre. Il est venu chez nous lors d'un scouting day. Les clubs comprennent quand même qu'il y a un enjeu. Aujourd'hui, au lieu de dire aux joueurs : "Je te vire", ils vont leur lui dire : "Je t'envoie chez le Footsider." En une année, avec tous les scouting days tout ce qu'on organise, forcément, on va leur trouver des opportunités.
90min - L'idée, c'est vraiment de sensibiliser les clubs à l'après-centre de formation, si ça n'a pas marché ?
R.M - Exactement. Surtout qu'il y a un taux d'échec dans les centres de formation de plus de 90%. Là, par exemple, il y a les centres de formation, et des coachs qui nous envoient des listes en indiquant les joueurs qui ne sont pas concernés. Pour leur trouver des opportunités, c'est ensuite beaucoup plus simple.
90min - Pour revenir un petit peu sur les grandes figures qui vous accompagnent, il y a Ronaldinho, il y a Brahimi, mais aussi Presnel Kimpembe, qui est un sympathisant du projet. Comment est-ce que ça s'est fait et comment est-ce que vous l'avez convaincu ?
R.M - En fait, Presnel Kimpembe et Lyes Brahimi, l'un des co-fondateurs, en ont parlé. Presnel a tout de suite compris. Il a aussi, je pense, une fibre sociale. Il a tout de suite compris le fait de venir à un de nos scouting days pour donner des conseils aux jeunes. Il est venu vraiment sans hésitation. Il a dit : "C'est à Paris, moi, je suis là, donc il n'y a aucun problème pour que je vienne pour un peu transmettre et donner un peu de la force aux joueurs."
Il est venu, il a passé l'après-midi, à transmettre. Et pourtant il ne faisait vraiment pas beau. Mais il est venu et il a passé l'après-midi avec nous. C'est rare pour un joueur de foot de rester toute une après-midi comme ça. Et il a donné plein de conseils aux joueurs. Franchement, au début, ça m'a étonné, mais ça ne m'étonne plus. Les joueurs pros, ils ont vraiment l'œil, ils arrivent à détecter. Il nous a dit : "En trois minutes, il y a le petit 10 vert, il est vraiment fort." Il l'a vu en trois minutes. C'est l'un de ceux qui est parti, qui a été le plus sollicité.
90min - Footsider englobe-t-il uniquement le football masculin ou est-ce aussi ouvert au football féminin ?
R.M - C'est une très bonne question parce qu'effectivement, sur l'application, il y a les garçons et les filles. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'on a déjà organisé un premier scouting day féminin le 8 décembre à Paris. Ça s'est très bien passé. Il y a eu des filles qui sont parties en essais dans des clubs pros, dans des clubs amateurs. On a un club suédois qui était venu, et il il y a même trois filles qui y ont signé.
Le football féminin, pour nous, c'est très important. On organise justement en juin un tournoi à Paris, on invite des équipes féminines pour y participer.
Sur la première détection qu'on a faite, on est très content parce que les clubs ont tout de suite joué le jeu. Ils sont tous à la recherche de petites pépites et on a pas mal de clubs qui sont venus à cette détection-là.
90min - Parce que c'est aussi un vrai avantage pour eux, ça facilite un petit peu le travail de scouting, n'est-ce pas ?
R.M - Exactement. Que ce soit pour les garçons ou les filles, quand on organise un scouting day, les jeunes viennent de toute la France et ça fait gagner un temps énorme aux recruteurs. Au lieu d'aller à Marseille, à Bordeaux, à Toulouse, voir des joueuses ou des joueurs, là, ils voient tout le monde sur une journée.
90min - Justement, pensez-vous que cela puisse représenter une vraie alternative au travail de scouting des clubs professionnels ou cela peut-il venir plutôt en complément ?
R.M - Nous pensons que c'est vraiment un complément. Nous agissons en tant que "facilitateurs" pour eux. On est ni agent, ni rien, donc on ne prend rien. On est le facilitateur pour eux et on les met tout de suite en relation avec les joueurs.
90min - Quelles sont les prochaines étapes pour Foostider ?
R.M - En une année, on a plus de 125 000 utilisateurs sur l'application, sans sponsoring, avec plus de 1 500 clubs sur l'application, donc on sent qu'il y a vraiment un engouement, il y a un intérêt pour les joueurs et pour les clubs.
Nous sommes invités au Salon VivaTech. C'est le plus grand salon d'Europe des startups. On est invités la semaine prochaine, c'est à Paris, Porte de Versailles. Puisqu'on est en train de se développer à l'international, on est sur un projet de levée de fonds. On a des gens qui nous sollicitent pour investir dans le projet. On est vraiment à l'écoute, on y va tout doucement pour essayer de prendre le bon partenaire avec nous, le bon investisseur, pour se développer au niveau international.
Formé au Stade Lavallois et passé par l'Olympique Lyonnais, Oumar Solet a rejoint, en 2020, l'ambitieux Red Bull Salzbourg. Pilier de la défense du champion d'Autriche, il s'est confié en exclusivité pour 90min. Il évoque son parcours, ses rêves de grand club, de football international et l'Euro 2024, où l'équipe de France croisera le fer avec son pays d'adoption, l'Autriche.
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