Et si... André-Pierre Gignac n'avait pas touché le poteau en finale de l'Euro 2016 ?
Par Morgan Piot
Une seconde, un tir, un souffle, une image, et le bruit assourdissant d'un poteau qui ne cessera jamais de trembler dans le cœur des Français : André-Pierre Gignac a flingué tous les espoirs d'un peuple au cours d'une finale à portée de pied. Et si...
"Avec des "si" on ne refait pas le monde, mais encore moins avec des "on en parlera plus tard""(Patrick Louis Richard, 1958). Et si justement il était temps de refaire le monde ou du moins, juste altérer une simple fraction de l'espace temps qui s'est dérobée sous le pied d'André-Pierre Gignac, conduisant à l'inéluctable : celui d'un rêve envolé.
Et si le Français avait légèrement mieux positionné son pied ? Quel serait l'avenir ce bon vieux "Dédé", adulé et prié comme un dieu vivant au Mexique ? Howard Phillips Lovecraft semble déjà avoir la réponse :"le temps, l'espace, la vue et la réalité ont leurs tours et leurs détours que seul un rêveur peut percer à jour". Place au rêve.
2016 : l'Apothéose
Convoqué par Didier Deschamps à l'Euro 2016 après une saison explosive sous son nouveau maillot des Tigres UANL au Mexique, André-Pierre Gignac fait plusieurs entrées en jeu remarquées avec l'équipe de France.
Mis d'ailleurs en confiance par l'ensemble de l'effectif, l'ancien toulousain se prête à rêver d'un destin héroïque, celui de donner un troisième titre de champion d'Europe à toute une nation. Et du rêve à la réalité il ne suffit parfois que d'un pas ou d'un tir bien ajusté, celui qui fera chavirer le cœur des Français.
78e minute de jeu face au Portugal, au terme d'une rencontre plus ou moins équilibrée entre les deux formations, Didier Deschamps sort son arme absolue en remplaçant Olivier Giroud par André-Pierre Gignac. Trouvé dans la surface, l'ancien Marseillais se mue en héros après avoir ajusté dans les arrêts de jeu Rui Patricio d'un tir bien placé au ras du poteau.
Après 1984 et 2000, les Bleus s'offrent une troisième couronne déclenchant au passage la liesse dans les travées du Stade de France. La France peut exulter et remercier l'enfant prodige du pays. Le début d'une nouvelle ère pour l'EDF qui s'affiche sur la scène européenne et internationale avec de nouvelles ambitions.
Un transfert retentissant
La période estivale s'ouvre définitivement au sortir de l'Euro. Si plusieurs internationaux français sont convoités durant la fenêtre des transferts à l'image d'Antoine Griezmann, le double buteur face à l'Allemagne en demi-finale de la compétition préfère jouer la carte de la sécurité en restant à l'Atlético dans la quête du prochain Ballon d'Or où il est le grand favori.
Du côté de Gignac, fini les tortillas chez les Mexicanos, Everton vient d'aligner un chèque de 40 millions d'euros pour mettre la main sur la perle française. Avec des émoluments deux fois plus élevés et une maison offerte dans la belle ville de Liverpool, difficile pour André-Pierre de se montrer sourd aux sirènes de la Premier League.
Débarqué chez les Toffees avec un nouveau statut, André-Pierre Gignac fait un début de saison tonitruant en torpillant à trois reprises en quatre journées Manchester United, Bounemouth et Southampton. Conséquence au classement, Everton se positionne à la cinquième place grâce à la grande forme de leur buteur français. Une période idyllique qui va rapidement prendre fin.
Face à Swansea lors de la sixième journée, André-Pierre Gignac est victime d'un attentat par Gylfi Sigurdsson à la 62e minute après un tacle les deux pieds décollés au niveau du genou gauche. Le verdict tombe le lendemain : rupture du ligament croisé antérieur, six mois sur le flanc et un avenir en pointillés.
Griezmann Ballon d'Or
Quelques semaines plus tard, sans surprise, Antoine Griezmann est sacré Ballon d'Or devant Cristiano Ronaldo et Lionel Messi après son excellent parcours avec les Bleus durant l'Euro et une place de finaliste en Ligue des Champions face au Real Madrid au mois de mai.
Récompensé pour ses nombreux efforts tout au long de la saison, le Français a su bousculer la hiérarchie et mettre fin à l'hégémonie de deux hommes qui se partagent le trophée depuis 9 ans. Une "logique respectée" selon le journal l'Equipe qui n'hésite pas à souligner l'action décisive d'André Pierre-Gignac en finale du tournoi sans quoi le Ballon d'Or "serait sûrement revenu au Portugais".
Mondial 2018 : la France est favorite
Malgré une année moins tranchante, Didier Deschamps, pour le moins superstitieux, décide de convoquer le même groupe victorieux deux ans plus tôt en France à la seule différence de Patrice Evra qui est remplacé par Lucas Digne.
Pour Kylian Mbappé et Ousmane Dembélé, c'est un véritable coup dur alors que les deux hommes avaient bon espoir de figurer dans la liste définitive des 23. Mais en vieux briscard, fidèle à ses principes, le sélectionneur français en a décidé autrement en se concentrant sur un noyau dur.
"Kylian Mbappé et Ousmane Dembélé sont deux jeunes joueurs prometteurs. Leur chance viendra."
- Didier Deschamps
Une énorme désillusion qui est vite balayée par le début des échéances. Engagés aux côtés de l'Australie, du Pérou et du Danemark, les Français démarrent la compétition avec le statut de favoris.
Aligné à la surprise générale au coup d'envoi face aux Australiens malgré deux exercices marqués par les blessures, André-Pierre Gignac commet l'irréparable après une perte grossière du ballon au milieu de terrain qui profite à Rogic qui saisira l'offrande pour venir tromper Hugo Lloris. Menée 0-1, la France ne se relèvera pas.
Contraint d'opérer des changements pour éviter une énorme déconvenue, Didier Deschamps fait appel à Kingsley Coman pour débuter la rencontre face au Pérou. Un match qui démarre sur les chapeaux de roues pour des Péruviens qui apparaissent décomplexés à la différence des coéquipiers de Blaise Matuidi qui sont littéralement tétanisés.
Au-dessus physiquement et techniquement en deuxième période, les hommes de Didier Deschamps se heurtent cependant à plusieurs reprises sur Pedro Gallese qui est en état de grâce. Le vent semble tourner pour les Bleus qui se dirigent tout droit vers un score nul et vierge qui compromettrait fortement leurs chances de se qualifier pour les huitièmes de finale.
Et l'épée de Damoclès n'a pas tardé à trancher les espoirs de la France quand Carrillo est venu ouvrir le score à la 86e d'une tête décroisée imparable. La messe est dite, les Bleus sortent par la petite porte.
Le retour de Karim Benzema
Éliminée à la surprise générale au premier tour de la Coupe du monde, l'Équipe de France n'a pas réussi à surpasser cette crainte clinique qui a fait souvent défaut aux athlètes français par le passé alors que le broyage médiatique est venu écœurer définitivement les Bleus.
Reconduit avant le début des festivités en Russie, Didier Deschamps doit désormais s'attarder sur le chantier qui l'attend. Pour répondre aux attentes des Français, l'ancien entraîneur de l'Olympique de Marseille décide de renouveler une grande partie de son groupe. Plusieurs jeunes joueurs font alors leur apparition alors que le public réclame le grand retour de Karim Benzema.
Face à l'impossibilité de faire abstraction à la demande des supporters, Didier Deschamps se résout à contrecœur à rappeler l'attaquant madrilène. Le début d'un nouveau chapitre qui doit permettre à la France de se reconstruire en vue de l'Euro 2020.