Histoire d'Euro : Paul Gascoigne alias "Gazza" éteint l'Écosse lors de l'Euro 96

Les derbys britanniques ont toujours une saveur particulière, prenant une toute autre dimension en compétition internationale. Ce vendredi (21h), dans la mythique antre de Wembley, L'Angleterre affronte l'Écosse, 25 ans après une rencontre d'anthologie, portant le sceau du génie autodestructeur Paul Gascoigne.

En exclusivité pour 90min, les anciennes gloires, aujourd'hui consultants pour la BBC, Alan Shearer, Rio Ferdinand et Alex Scott sont revenus avec émotion sur ce duel fratricide.

15 juin 1996, Wembley. "The stage is set", comme on dit outre-Manche. À domicile, les Three Lions nourrissent de légitimes ambitions pour cet Euro à domicile, faisant écho au Mondial 1966, remporté 30 ans plus tôt sur leur sol.

La séduisante génération des Ince, Gascoigne, Shearer affronte une redoutable équipe d'Écosse, menée par son emblématique capitaine, Gary McCallister. La victoire est impérative, après un nul initial contre la Suisse (1-1) :

"Marquer contre la Suisse, je devais le faire. Je n'avais pas marqué pour l'Angleterre depuis deux ans et 12 matchs, avant le tournoi. C'était vraiment mémorable", se remémore le légendaire attaquant Alan Shearer, auteur de 30 buts en 63 sélections.

Paul Gascoigne fait exploser Wembley

L'Angleterre fait respecter la hiérarchie face à son voisin et Alan Shearer force le verrou écossais à la 53ème minute. Un prélude à l'éclair de génie de "Gazza", qui va littéralement faire exploser Wembley.

"Quand il se l'amène par-dessus la tête et l'a met dans le coin inférieur du but, c'était juste complètement fou, se rappelle l'ancien défenseur de Manchester United, Rio Ferdinand, 16 ans à l'époque. En plus, il était aux Rangers cette saison et c'était contre son gardien, Andy Goram."

"C'est comme si dans le stade tout s'était arrêté pendant quelques secondes, puis c'est arrivé et tout est devenu silencieux. Et... Bang... et puis ça a éclaté."

- Rio Ferdinand

Une célébration mythique

Et pourtant, rien ne présageait une telle communion...

"On était soudés, on n'avait pas le choix. On se devait d'être performants à cause de ce qui s'était passé à Hong Kong avec la polémique de la chaise du dentiste !", raconte l'auteur de l'ouverture du score Alan Shearer, faisant référence à la tristement célèbre virée nocturne des Anglais, en préparation de cette compétition, où l'alcool a coulé à flots.

Au cœur de la polémique, Paul Gascoigne, réputé pour ne pas mettre à côté, est à la Une de tous les tabloïds anglais en marge de l'Euro.

Et après son but légendaire, Gascoigne a fait du Gazza...

"Ça ne m'aurait pas surpris que ce soit de la vodka plutôt que de l'eau !"

- Alan Shearer

"Je ne sais pas si la bouteille d'eau était stratégiquement placée à cet endroit, mais même ça, c'était la perfection, n'est-ce pas ?" sourit Shearer. C'était juste là, derrière le but, pour qu'on y aille et qu'on le fasse, et c'était l'idée de Gazza d'y aller et de le faire, retrace-t-il.

Gazza a marqué, il était dans une chaise de dentiste, nous avons fait couler de l'eau, la bouteille était là... C'était parfait, comme l'était son but. Et ça ne m'aurait pas surpris que ce soit de la vodka plutôt que de l'eau !"

Des sources d'inspiration

Malgré la cruelle élimination aux tirs au but face à l'Allemagne en demi-finales, toute une Nation a vibré au rythme des exploits de ses joueurs, chargés de "ramener le football à la maison".

"Nous avons vraiment été performants pendant le tournoi et tout le monde a apprécié ce que nous avons essayé de faire. Nous avions un grand esprit d'équipe", souligne, avec du recul, Alan Shearer, meilleur buteur de cette édition (5 buts).

"Un gamin comme moi, qui vivait dans un lotissement à l'époque, s'est assis et s'est entraîné avec Gazza. Je me disais : "Pu**, c'est dingue"."

- Rio Ferdinand

"J'avais 16 ans je crois, je suis allé m'entraîner avec l'équipe avant le match contre l'Écosse et avant le match contre les Pays-Bas. C'était l'une des meilleures et des plus folles expériences de ma vie, se souvient avec émotion l'ancien défenseur international Rio Ferdinand. Un gamin comme moi, qui vivait dans un lotissement à l'époque, est allé s'asseoir et s'est entraîné avec Gazza. Je me disais : "Pu**, c'est dingue".

On l'oublie souvent, mais cette génération a inspiré celle des Rio Ferdinand, Steven Gerrard, Lampard...

"Je voyageais avec eux, j'allais dans les vestiaires avant le match, j'étais dans les tunnels, puis j'allais dans la tribune avec les joueurs qui ne jouaient pas, nous conte Rio. J'étais comme un véritable membre de l'équipe, c'était incroyable. Vous regardez par la fenêtre en allant au match et vous voyez les files d'attente dans les rues."

Un souvenir "magique"

Un match ancré à jamais dans la mémoire de tous les fans de football anglais :

"Regardez, je souris parce que ça vous ramène directement au sentiment que vous avez ressenti en regardant ce match, plonge dans ses souvenirs l'ex-internationale anglaise Alex Scott. C'est pour ça que le football et le sport sont si uniques. Ça fédère beaucoup de gens à différents moments, vous pouvez vous dire "j'y étais".

Et, en effet, l'ancienne capitaine des Three Lionesses "y était" :

"Ma mère était gérante d'un pub, donc nous vivions au-dessus, et j'étais dans le pub avec le grand écran et je me souviens que tout le monde devenait fou parce qu'ils ne pouvaient pas croire la scène à laquelle nous venions d'assister. Évidemment, avec Gazza et Wembley, il y avait quelque chose de magique", témoigne-t-elle.

Un court moment de magie, illustration parfaite des émotions intenses dont seul le football est capable de nous procurer.