Interview exclusive - Yvan Neyou : "Depuis ma jeunesse, c'est le football que j'ai toujours aimé"

  • Yvan Neyou a été transféré définitivement au Club Deportivo Leganés en 2023
  • La club a été promu en Liga cette saison
  • Le joueur camerounais a participé à la CAN
Yvan Neyou a brillé cette saison avec Leganés
Yvan Neyou a brillé cette saison avec Leganés / 90min
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Visage marquant de Ligue 1, Yvan Neyou a définitivement quitté l'AS Saint-Etienne l'été dernier pour LaLiga 2 et le CD Leganés. Un choix surprenant qui s'est avéré payant : un an plus tard, revoilà le milieu international camerounais dans l'élite du football européen. Entretien exclusif.

90min - Yvan, que deviens-tu depuis ton départ de France ?

Yvan Neyou - Ma vie, elle est normale. Je mène une vie normale de footballeur. Je reviens dans un climat un peu plus calme, on va dire. Parce qu'à Saint-Etienne il y avait beaucoup de supporters etc, beaucoup de pression et beaucoup d'attentes. Là, je suis dans une autre disposition, où ça travaille bien aussi. Je suis très content. Franchement, rien de bien spécial. Ma vie n'a pas plus changé que cela.

90min - Après, cela va surtout changer cette année quand même, parce que sur le plan sportif, il y a cette montée en Liga... Est-ce que tu peux nous raconter un petit peu cette folle saison que tu viens de vivre ?

Y.N - Je l'ai vécue d'une manière assez calme, moi. À aucun moment, je ne me suis projeté ou quoi que ce soit. J'ai toujours pris match après match. Je ne me suis pas trop pris la tête à essayer de penser à un scénario parfait. Je me suis plutôt dit : "On est bien, OK, tant mieux." Je ne regardais pas tellement le classement, pour te dire. Le plus important pour moi c'était, à chaque match, d'avoir le goût de la gagne, ou de prendre au moins un point par match. Et puis on a vécu une super saison, avec une super ambiance. Sur le plan humain et sur le plan sportif, franchement, c'était top. Je ne sais pas si un jour, je revivrai une saison pareille, c'était vraiment top.

90min - Tu nous dis que tu ne t'es pas forcément focalisé que sur les résultats, mais quand tu arrives vers la fin avril, début mai, et que vous êtes en si bonne position, tu ne t'es pas dit : "On est en train de vivre quelque chose d'incroyable" ?

Y.N - Si, quand même. Je ne vais pas vivre dans le déni. Il ne faut pas non plus se leurrer. Quand on est arrivé en mai, je me suis dit : "Purée, là, on est vraiment en train de faire quelque chose." Il faut peut-être redoubler un peu plus de concentration, être un peu plus concentré, essayer de faire les choses bien - encore mieux que je ne le faisais - pour essayer de réussir l'objectif.

90min - C'est peut-être aussi là que ça a commencé à se crisper... Ça correspond un peu au moment où il y a eu cette série de matchs nuls, que vous n'arriviez plus à marquer. Peux-tu nous raconter cette période ? Avez-vous commencé à douter ?

Y.N - Non, il n'y a jamais eu de doute. Après, il faut savoir que l'année dernière, on a beaucoup joué. Un joueur qui fait tous les matchs sur une saison, quand il arrive à la fin de l'année, il y a de la fatigue, il y a de la tension. Donc, des gestes un peu plus faciles deviennent difficiles. Ça arrive, je pense, à toutes les équipes. Ce n'est pas non plus quelque chose d'alarmant. (Il s'arrête, puis reprend)

Ce n'est pas quelque chose d'alarmant parce que dans le jeu, on y était. Peut-être la chance qu'on a eue en début de saison, à certains matchs où on ne méritait peut-être pas de gagner, sur ces matchs-là, ça ne tournait pas. Donc parfois, il faut voir le verre à moitié plein. On ne peut pas seulement se dire : "On n'arrive pas à mettre de but, on est crispés." Non. Peut-être que la chance qu'on avait un petit peu sur le début de saison, sur ces moment-là, ça ne passait pas.

Yvan Neyou
Yvan Neyou avec Leganés / Angel Martinez/GettyImages

90min - Tu as vraiment un discours très serein, avec beaucoup de recul. Mets-tu cela sur le compte de l'expérience ou est-ce ton tempérament, d'être vraiment calme par rapport à ce genre de grosses échéances ?

Y.N - C'est un petit peu mon tempérament. Sur le terrain, je ne suis pas quelqu'un de calme. Je ne vais pas vous mentir, sur le terrain, je ne suis pas calme du tout, je n'ai rien à voir avec la personne qui est en train de parler. Mais en dehors, non. Je prends énormément de recul sur les choses. Je relativise beaucoup. Donc c'est vraiment mon tempérament, en temps normal.

90min - Et ça déteint forcément sur tes coéquipiers, c'est ça ?

Y.N - Sûrement. Je ne sais pas. Je ne me suis jamais posé la question. C'est vrai qu'on m'en avait déjà fait part, le coach m'en a déjà parlé. C'était un jour où je n'allais pas bien, j'avais une petite douleur à l'échauffement. Je suis de nature sereine, on va dire. Et le coach me regarde et me dit : "Ne le montre pas aux autres." En gros, ne montre pas ta douleur aux autres pour ne pas qu'ils se crispent, eux. Pour ne pas qu'ils se mettent la pression. Pas forcément par rapport à mon football, mais par rapport aussi à mon caractère, à comment je suis, d'aborder les choses toujours avec confiance, avec sérénité...

90min - Et après avoir vécu une saison aussi folle, aussi éreintante sur le plan physique, à quoi ressemblait ton été ? Parce que tu es déjà en pleine préparation pour la nouvelle saison. As-tu pu te reposer quand même ?

Y.N - Franchement, oui, je me suis reposé chez moi. Je n'ai rien fait de spécial. Je suis allé un petit peu en vacances avec des potes. J'ai vu ma famille qui était chez moi à Madrid. J'ai voyagé un petit peu. Rien de bien fou, je ne suis pas allé bien loin.

90min - Se ressourcer, c'est ça ?

Y.N - Oui, histoire de couper un peu, de déconnecter.

90min - Et là, vous êtes en stage en Angleterre, c'est ça ?

Y.N - Oui, c'est ça, à Burnley. On a fait un match amical contre Burnley. On a fait 0-0. C'était un bon match. Je pense qu'on a fait un bon match sur le plan athlétique, un bon match sur le plan tactique aussi. C'était pas mal. C'était vraiment un match plaisant à voir, je pense que ceux qui ont pu le voir ont dû apprécier.

Yvan Neyou
Yvan Neyou avec Leganés / Angel Martinez/GettyImages

90min - Tu parles d'une équipe qui évolue en Championship, où il y a beaucoup de clubs. Tu as connu la Ligue 1 à 20 clubs, tu as connu la Liga Portugal à 18 clubs. La saison dernière, c'était la Liga2 avec 22 clubs. Quelle différence ressens-tu sur une saison où tu joues autant de matchs ?

Y.N - Franchement, c'est super long. C'est super long et en plus de ça, il n'y avait même pas de semaines à trois matchs pour essayer de faire passer les choses rapidement. On n'a pas de coupure pendant les trêves internationales, alors que moi, j'étais international... Quand j'allais en sélection, je loupais un match ou deux. Quand je suis allé à la CAN, j'ai loupé quatre matchs. Toutes ces choses-là, on les ressent sur le long terme parce qu'il n'y a jamais de pause.

90min - Pour un joueur comme toi qui a des grandes échéances au niveau international, ça doit faire vraiment bizarre de se retrouver dans un club où ça continue de jouer pendant que tu es en sélection, non ?

Y.N - Oui, c'est vrai que le début, ça m'a paru un peu bizarre, mais bon, que veux-tu ! (rires) Ça fait partie du truc. C'est moi qui l'ait choisi, je le savais. Il faut l'assumer.

90min - Cette saison, tu vas retrouver un rythme un peu plus "classique". Et tu vas faire face à des joueurs comme Mbappé, Yamal, Nico Williams, Bellingham... Mais y a-t-il un joueur que tu as le plus hâte d'affronter cette saison ?

Y.N - Non, pas vraiment.

90min - Non ? Pourquoi ?

Y.N - Je ne sais pas, peut-être à cause de mon âge. Peut-être qu'aujourd'hui, je suis un peu moins axé sur ces choses-là et que je suis plus concentré sur moi que concentré sur autre chose.

90min - Et défier un joueur de cette trempe-là, ça ne te fait rien, alors ?

Y.N - Non, non. Vraiment pas.

90min - Ça rejoint un petit peu ce qu'on disait sur ton tempérament. C'est quelque chose que tu as en toi ?

Y.N - Oui, c'est ça. Comme je le dis à chaque fois, ce n'est que du foot. Je viens, je donne le meilleur de moi-même. Ils sont censés être meilleurs que nous, de toute façon. Donc, donne le meilleur de toi-même et vois ce qu'il se passe. Il n'y a pas besoin de faire des calculs, de chercher midi à quatorze heure. Non. Tu viens sur le terrain, tu te donnes à fond, tu travailles à l'entraînement et puis tu verras comment ça sortira le jour du match, c'est tout !

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Yvan Neyou et Kylian Mbappé vont se recroiser cette saison / FRANCK FIFE/GettyImages

90min - On l'a vu encore cet été, l'Espagne remporte absolument toutes les compétitions qu'il y a à remporter. Pour toi qui est arrivé en Espagne et qui a vu tout ça de près, quelle est la différence que tu as pu voir sur ton jeu, sur ton évolution ?

Y.N - Dans mon placement, dans mes touches de balles, dans la simplicité de mon jeu. Mon jeu est beaucoup plus simple maintenant qu'il ne pouvait peut-être l'être en France, où je portais un peu plus le ballon. Ici, je joue vraiment beaucoup plus simple. J'ai repris vraiment goût à redoubler les passes, à faire tourner le ballon, à avoir de la possession, etc. Ce sont des choses qui m'avaient manqué.

Et je pense que ce sont des choses qui m'avaient manqué toute ma vie, parce que depuis ma jeunesse, c'est le football que j'ai toujours aimé, ce jeu-là, ce football de possession... De garder le ballon, d'être propre techniquement, de jouer à une touche, deux touches, etc. C'est ce que j'ai toujours voulu faire. Donc, de pouvoir le faire aujourd'hui, ça me rend heureux.

90min - Est-ce aussi ce qui a précipité ton retour en sélection, tu penses ?

Y.N - Peut-être. Ça m'a peut-être un peu aidé. Le fait que je sois épanoui sur le terrain et que ça se ressente sur mes performances. Peut-être que le sélectionneur a vu en moi un élément qui aurait pu l'aider pendant la campagne de qualifications pour la Coupe du monde et pendant la CAN.

90min - Justement, à propos de la CAN. Quel bilan tires-tu personnellement de cette compétition ?

Y.N - Je ne l'ai pas tellement jouée parce que j'ai été blessé. J'ai eu une gêne après mon premier match en tant que titulaire contre le Sénégal. Donc ça a été un peu plus compliqué. Mais ce sont toujours de bonnes expériences à vivre.

Senegal v Cameroon - TotalEnergies CAF Africa Cup of Nations
Yvan Neyou à la CAN avec le Cameroun / MB Media/GettyImages

90min - Qu'est-ce que ça symbolise pour toi, de représenter le Cameroun dans une compétition aussi importante ?

Y.N - C'est le gratin. Je pense que c'est quelque chose de grand. On se sent vraiment valorisé, on se sent vraiment important. On sent que pour tous les Camerounais, on a une place particulière dans le pays et ça fait plaisir. On sait qu'on doit se donner à fond pour pouvoir essayer de porter les couleurs de notre pays le plus haut possible.

90min - On a beaucoup suivi ça en France et on sent vraiment une très belle évolution du football africain. Quel regard portes-tu sur cette évolution-là ?

Y.N - Je suis d'accord. Ç'a énormément évolué, dans beaucoup de choses. En termes d'infrastructures, en termes de terrains, en termes de qualité de jeu. Aujourd'hui, il y a des équipes qui, anciennement étaient des petites équipes, qui jouent très bien, proposent un football de qualité et rivalisent avec les plus gros - les anciens plus gros, les plus gros par rapport à l'histoire. Mais aujourd'hui, ces petites équipes-là, elles rivalisent. Et je trouve que c'est ça qui est beau. Et c'est là où on voit la progression du continent.

90min - On parlait des infrastructures. Nous pouvons voir des nations comme le Maroc être capable de former tout un tas de jeunes avec un potentiel énorme, qui arrivent jusqu'à l'équipe première du Maroc. Comment vois-tu cette équipe du Maroc et son évolution ?

Y.N - L'équipe du Maroc, je trouve que c'est une équipe qui a énormément de joueurs talentueux. Ils ont énormément de talent. Mais ça, depuis très, très longtemps. J'en ai côtoyé un plus particulièrement, Amine Harit, qui a énormément de talent, mais ça depuis tout jeune. Je pense que c'est quelque chose qui est dans leur sang. Ils sont talentueux de base.

Je pense que ces jeunes-là, on ne leur apprend même pas à jouer au football. On leur apprend peut-être des préceptes tactiques. Mais tout ce qui est de manier le ballon, je pense que c'est quelque chose d'inné chez eux. Avec une bonne formation pour ce qui est du reste, ça devient de très bons joueurs, qui peuvent jouer dans les plus grands championnats et jouer les meilleures compétitions.

Amine Harit
Amine Harit avec le Maroc / Fran Santiago/GettyImages

90min - Est-ce une inspiration pour l'ensemble du continent africain ?

Y.N - Je pense que oui. De toute façon, tous les bons exemples sont bons à prendre. On voit énormément aussi de pays émergents comme nous, le Cameroun ou même le Nigeria, où il y a énormément de joueurs qui jouent en Europe, ou même au Sénégal. Il y a énormément de joueurs en Europe qui jouent dans des bons clubs - dans des super clubs même -, où les joueurs performent.

Je pense que de continuer sur cette lancée-là, c'est ce qu'il faut pour le continent. Ça serait vraiment super plus tard, dans dix ans, peut-être que j'aurais déjà arrêté le foot, de voir des nations encore plus fortes que celles qu'on a aujourd'hui.

90min - Avant qu'on n'attende dix ans, d'ici 2030, il y a une grande échéance. C'est cette Coupe du monde qui sera co-organisée, notamment par le Maroc. Est-ce une fierté pour toi, en tant qu'Africain, de voir la Coupe du monde revenir en Afrique ?

Y.N - Oui, bien sûr... C'est une fierté. C'est une fierté, parce qu'une fois de plus, ça montre qu'ils nous accordent un peu plus d'importance et qu'on montre que, nous aussi, nous sommes capables de recevoir ce genre d'événements.

Il y avait eu la Coupe du monde en Afrique du Sud, que j'avais beaucoup suivie à l'époque. Et étant jeune, j'étais super content de la voir et je trouve qu'elle avait été super bien organisée et qu'il y avait énormément d'ambiance, etc. Aujourd'hui, de revoir ça au Maroc, que le Maroc fasse partie des pays hôtes, ça me fait énormément plaisir.

90min - Et est-ce un objectif pour toi d'essayer d'y participer ? 33 ans, ça le fait, non ?

Y.N - Oui, bien sûr. Oui, ça le fait. Bien sûr que ça le fait ! (rires) J'ai commencé tard moi en plus. Donc ça pourrait le faire.

90min - Je voulais avoir un petit peu ton regard sur la situation de l'AS Saint-Etienne, qui a un parcours un peu similaire au tien, finalement, avec un retour dans l'élite. Qu'est-ce que ça t'inspire ?

Y/N - Oh, je suis super content pour eux. Je suis super content pour le club, super content pour les gens qui y travaillent. Parce que je suis parti du club, mais je maintiens quand même des bonnes relations avec certaines personnes qui y sont encore.

Je suis très content pour les supporters, aussi. Parce que comme je l'ai toujours répété dans plusieurs interviews que j'ai faites, les supporters, ils ont toujours été bons avec moi. Parce qu'ils ont vu que je me donnais à fond. Quoi qu'il arrive, dans n'importe quel match auquel j'ai participé, je me suis toujours donné à fond. Donc je pense que d'être en première division, c'est tout ce qu'ils méritent.

Yvan Neyou
Yvan Neyou avec l'AS Saint-Etienne / Sylvain Lefevre/GettyImages

90min - Et pour toi qui a vécu cette période un petit peu plus difficile de l'ASSE, quel est ton regard sur le fait qu'il y ait ce rachat, que la situation se soit améliorée ?

Y.N - J'espère que ce rachat va replacer Saint-Etienne dans les premiers rôles de Ligue 1. J'espère qu'avec ce rachat, ça va leur apporter un petit peu plus de force et leur permettre plus de marge de manœuvre pour pouvoir recruter des joueurs de premier plan pour pouvoir jouer, justement, les premières places de ce championnat et jouer en Europe - là où il méritent d'être, tout simplement.

90min - Et justement, pour cette dernière question, quel est ton regard sur la Ligue 1 ?

Y.N - Ça va, c'est un bon niveau, la Ligue 1. Il y a des super joueurs. C'est un peu dommage qu'à chaque fois qu'il y a un super joueur, il aille à l'étranger. C'est ce que je regrette un petit peu. À chaque fois qu'il y a des super joueurs, finalement, l'été arrive, il se fait transférer dans un autre pays, que ce soit en Allemagne, que ce soit en Angleterre, que ce soit en Espagne, c'est un peu dommage.

Si on arrivait à garder tous ces meilleurs joueurs-là, ça fera un championnat encore plus attractif, je pense. Mais le championnat français, il est pas mal, il est bon. (...) Il serait mieux si on arrivait à aller un peu plus loin dans les compétitions européennes.

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