Interview - Jessica Houara : "Il faut faire bouger les choses en Équipe de France féminine"

Jessica Houara, ancienne joueuse de l'Équipe de France féminine et désormais consultante Canal +
Jessica Houara, ancienne joueuse de l'Équipe de France féminine et désormais consultante Canal + / Getty Images
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Devenue consultante sur Canal +, Jessica Houara a accepté, en exclusivité pour 90min, de se poser pour passer en revue certains moments forts de sa carrière de footballeuse professionnelle. Elle en a aussi profité pour évoquer sa reconversion dans les médias, nous partager sa vision du football tout en revenant sur les tensions régnant actuellement au sein de l'Équipe de France féminine.

Comment le football est venu à vous ?

Je suis née dans une famille, avec un père et un grand frère qui jouaient au foot. Ma mère était sur les terrains tous les week-ends, donc c'est tout naturellement que je me suis tournée vers ce sport. Depuis petite, j'étais donc sur les terrains, mais j'ai aussi fait d'autres sports comme la gymnastique et le handball. Mais sinon, la semaine, j'allais à l'entraînement avec mon père quand ma mère travaillait. Au final, on peut dire que c'est une histoire de famille.

Petite, aspiriez-vous à devenir une joueuse de football professionnelle ?

Pas du tout. Même quand je suis partie à Clairefontaine à l'âge de 14 ans, je n'avais pas l'espoir de devenir un jour sportive professionnelle. Je partais là-bas pour vivre mon rêve de jouer au football tous les jours dans un centre de formation. Je préparais d'ailleurs des diplômes à côté. Ce n'était pas du tout dans ma tête.

""Si j'ai eu cette carrière, c'est en grande partie grâce aux 4 années que j'ai passée à Clairefontaine.""

Jessica Houara

Que retenez-vous de votre formation à Clairefontaine ?

Tellement de choses. Ça a vraiment été une école de la vie. Certes, j'étais très bien entourée, mais j'étais tout de même loin de chez moi. J'ai dû apprendre à me gérer et à me débrouiller toute seule. Cela m'a construite en tant que femme, mais aussi en tant que footballeuse.

Tous les jours, je répétais mes gammes en étant entourée des meilleures joueuses de ma génération avec des entraîneurs très performants. Si j'ai eu cette carrière, c'est en grande partie grâce aux 4 années que j'ai passée à Clairefontaine.

En parlant des meilleures joueuses de votre génération, vous avez côtoyé Laure Boulleau à cette période...

Oui en effet. On s'est beaucoup suivies entre Clairefontaine et le Paris Saint-Germain. Nous avons souvent joué ensemble. On peut dire aussi qu'on a eu des carrières à peu près similaires. On s'est aussi retrouvées en sélection et j'ai adoré jouer avec elle durant toutes ces années. J'apprécie aussi le fait de me retrouver avec elle sur les différents plateaux télé.

""Ça a été un véritable déchirement de quitter le Paris Saint-Germain. C'est mon mari qui a envoyé un message à mon agent pour lui dire que j'acceptais l'offre de Lyon.""

JH

Après Clairefontaine, vous passez par le Celtic de Marseille et le RC Saint-Etienne. Mais c'est au Paris Saint-Germain que vous vous faites un nom. Vous portez les couleurs du club pendant 7 ans. Est-ce-qu'on peut dire que c'est votre club de cœur et celui qui vous a le plus marqué ?

Oui, on peut dire ça. Au-delà d'avoir joué sept ans pour ce club, je suis tout d'abord une supportrice du PSG depuis petite. Cela a été l'un des clubs principaux de ma carrière, et même si ce n'est pas le club avec qui j'ai remporté le plus de trophées, c'est celui avec qui j'ai remporté mon premier titre. Le lien sera toujours spécial avec ce club.

Jessica Houara avec les supporters du PSG après un match de Ligue des Champions face au VfL Wolfsburg
Jessica Houara avec les supporters du PSG après un match de Ligue des Champions face au VfL Wolfsburg / Aurelien Meunier/Getty Images

En 2016, vous quittez la capitale pour rejoindre l'Olympique Lyonnais à la surprise générale. Pourquoi ce choix ?

Ça a été un véritable déchirement de quitter le Paris Saint-Germain. Mais, il n'y avait pas d'évolution dans le projet en place. Et moi, j'avais envie d'évoluer même si ce choix a été fait à contrecœur.

Pour l'anecdote, c'est mon mari qui a envoyé un message à mon agent pour lui dire que j'acceptais l'offre de Lyon. Je ne regrette pas du tout d'avoir été à Lyon, car j'ai beaucoup appris au sein de ce club pendant deux ans.

Avec vos performances au PSG et à l'OL, vous avez logiquement été appelée en sélection nationale. Vous affichez 64 sélections au compteur. Est-ce-que l'Équipe de France est l'une de vos plus grandes fiertés ?

En tant que joueuse, oui, c'est ma plus grande fierté. Revêtir le maillot de l'Équipe de France, c'est un accomplissement énorme. De l'avoir porté en plus à plusieurs reprises et d'avoir participé à la Coupe du Monde, aux Jeux olympiques et à l'Euro c'est vraiment quelque chose de fort. Entendre la Marseillaise à chaque sélection, c'était vraiment merveilleux.

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""Quand je dis faire évoluer les choses, ce n'est pas de faire partir Corinne Diacre.""

JH

Que pensez-vous d'ailleurs de la situation actuelle autour de l'Équipe de France Féminine avec les tensions entre les joueuses et Corinne Diacre ?

Ces tensions font énormément de mal au football féminin français, et à la sélection française. J'ai peur qu'on en arrive à un point de non-retour. Ce qui m'embête le plus dans cette affaire, c'est qu'on a l'impression que ce ne sont que les Lyonnaises qui font pression et qui veulent faire un coup d'État pour empêcher Corinne Diacre d'être sélectionneuse.

Mais ce n'est pas ça le fond du problème en réalité. Pour moi, il y a un enchaînement de soucis au sein de la sélection et aussi de communication. Si les joueuses parlent, c'est parce qu'on leur pose des questions. On en arrive là, parce qu'elles ont essayé de faire bouger les choses en interne mais sans succès.

Aujourd'hui, elles ont peur d'arriver au prochain Euro et de n'être une nouvelle fois pas en mesure de gagner des titres. Elles ont vraiment cette envie. Et pour gagner, il faut absolument faire évoluer les choses. Quand je dis faire évoluer les choses, ce n'est pas de faire partir Corinne Diacre. Il faut mettre les choses à plat afin que le climat s'apaise. Aller en sélection doit être un plaisir et non une corvée.

Le football féminin prend de plus en plus d'ampleur dans notre société. Comment voyez-vous cette progression. Cela vous rend fière ?

Oui, je suis heureuse. D'autant plus qu'aujourd'hui, les jeunes filles peuvent s'identifier à des joueuses professionnelles alors que quelques années auparavant, ce n'était pas le cas. Très fière aussi que le football féminin prenne plus de place aujourd'hui dans les médias.

Passons à votre reconversion en tant que consultante. Qu'est-ce qui vous plait le plus dans ce nouveau métier ?

La passion du foot clairement. J'adore parler foot et analyser des matchs. C'est quelque chose qui me plaît. J'aime aussi cette adrénaline quand on doit se présenter sur un plateau télé. Je travaille et je m'informe beaucoup afin d'avoir des avis pertinents lors des émissions.

""Un bon latéral doit d'abord être un très bon défenseur" "

JH
Jessica Houara face à la Nouvelle Zélande aux Jeux olympiques 2012
Jessica Houara face à la Nouvelle Zélande aux Jeux olympiques 2012 / Felipe Oliveira/Getty Images

En tant qu'ancienne latérale, je suppose que vous êtes très attentive aux différents joueurs qui évoluent à ce poste. Quels sont les joueurs qui vous impressionnent le plus dans cette position ?

Bien évidemment Trent Alexander-Arnold. C'est un joueur très bon offensivement et défensivement. Il a une qualité de pied incroyable. J'aime beaucoup. J'adore aussi Joshua Kimmich, même si en ce moment, il joue beaucoup au milieu de terrain. Il me rappelle un peu Philipp Lahm quand il est positionné dans le couloir droit.

Qu'est-ce qu'un bon latéral selon vous ?

Un bon latéral doit d'abord être un très bon défenseur. Le poste de latéral a beaucoup évolué et aujourd'hui, on leur demande d'être de bon contre-attaquant. Mais pour moi, il faut être un bon défenseur, performant dans le un contre un, avoir un bon placement défensif et un gros volume de jeu afin d'être capable de répéter les courses.

"J'aime beaucoup la manière d'être de Jürgen Klopp avec ses joueurs."

Jessica Houara

Quelle(s) équipe(s) vous fascinent actuellement ?

Le Bayern Munich. C'est l'équipe sur les deux dernières saisons qui m'impressionne le plus. Liverpool aussi, mais plus le Bayern. Il n'y a pas de star numéro 1 dans cette équipe. Une puissance collective se dégage de cet effectif.

Imaginons, qu'un jour, vous êtes nommée entraîneur d'un club. Quels sont les techniciens qui pourraient vous inspirer ?

(Elle réfléchit) J'aime beaucoup la manière d'être de Jürgen Klopp avec ses joueurs. Je prendrais aussi une partie de Marcelo Bielsa. J'apprécie sa volonté de prendre une équipe peu flamboyante et d'en faire quelque chose. Il a tout le temps envie de contrôler et d'attaquer en match. Et bien sûr un peu de Pep Guardiola.

""Un rôle dans un staff ou dans l'organigramme d'un club pourrait m'intéresser.""

Jessica Houara

On arrive à la fin de cette interview. Est-ce qu'un rôle dans un club pourrait vous intéresser dans le futur ?

Oui. Être entraîneur non, mais avoir un rôle dans un staff ou dans l'organigramme d'un club pourrait m'intéresser. D'ailleurs, j'ai fait aussi une demande à la Fédération Française de Football pour pouvoir l'aider notamment dans le développement du football féminin. J'attends la réponse (rires). Mais en tout cas, il y a quelque chose à faire que ce soit dans les clubs ou à la Fédération.