Interview : Les confidences d'Alice Benoît après son départ en Italie
Après avoir joué exclusivement en France depuis ses débuts, Alice Benoît s'est engagée avec Sassuolo l'été dernier. Et la milieue tricolore joue les premiers rôles en Serie A. Son équipe est toujours en lice pour disputer la prochaine Ligue des Champions.
En plein sprint final, la joueuse de 26 ans a accepté de nous accorder un entretien. Elle est revenue sur ses années passées en France, ses objectifs avec Sassuolo, l'Euro qui se profile, mais également les différences entre le championnat italien et français.
Premièrement, comment avez-vous débuté le football ?
Dans ma famille, il n'y a pas de footeux. C'est à l'école, au CP, dans la cour de récré, avec mes amis. Je les ai suivis. Je me suis dit que j'allais tenter. Je me rappelle, mon père m'avait acheté une paire de crampons, en pensant que ça n'allait pas durer. En fait, je n'ai jamais arrêté. Je crois que pour ma première licence, j'avais sept ans.
Regardiez-vous déjà des matches à cet âge-là ?
Je regardais pas mal de matches. Je connaissais tous les joueurs. À l'époque, on avait déménagé à Nantes, donc je regardais beaucoup le FC Nantes. J'aimais beaucoup Marama Vahirua. Vu que le foot féminin n'était pas médiatisé, je ne regardais que le foot masculin. Ensuite, mon joueur préféré, c'était Thiago Motta. J'aimerais bien aller le voir entraîner à la Spezia.
"Dans le foot de haut niveau, il ne faut pas être si honnête, tant que rien n'est signé."
- Alice Benoît
Vous débutez très tôt à la Roche-sur-Yon, puis vous rejoignez la D1 Arkema et Soyaux en 2013, à seulement 17 ans. Est-ce que vous aviez en tête que ça pourrait aller aussi vite ?
À ce moment-là, je l'avais compris. J'étais au Pôle France à Clairefontaine. Ils essayaient de nous diriger, pour que notre deuxième ou troisième année de Pôle, on puisse jouer en D1. Au départ, je n'avais pas de connaissance dans le foot féminin. Je ne savais pas que ça se développait autant. Je jouais pour jouer. Je me souviens que c'était mon entraîneur au Pôle, qui m'avait dit que ce serait bien s'il y avait une opportunité en D1. Soyaux était le promu, donc ça s'est fait comme ça. Si je n'étais pas au Pôle, je pense que je serais resté à la Roche-sur-Yon encore une année. Je ne voyais pas forcément plus loin.
Vous avez fait Soyaux, Saint-Étienne, Guingamp, Yzeure, Paris FC, puis de nouveau Soyaux de 2013 à 2021. Comment expliquez-vous ces nombreux mouvements dans un laps de temps aussi court ?
Plus jeune, j'étais trop pressée. Je n'avais pas la maturité. Quand je ne jouais pas, je ne comprenais pas et je m'énervais. S'il y a un truc qui ne me plaisait pas, je le disais. En grandissant, je comprends qu'il y a un fonctionnement. On ne peut pas dire tout ce qu'on pense. Je pense que c'est aussi ce fonctionnement qui m'a fait faire des erreurs de parcours et une carrière un petit peu moins belle à ce que j'aspirai quand je suis sortie du Pôle. Après, ces erreurs me serviront parce que j'ai envie d'être entraîneur. En tant que joueuse, ça m'a un peu desservi, c'est certain. Mais en tant qu'entraîneur, je pense que ça me servira.
Avec du recul, qu'est ce que vous auriez changé ? Seriez-vous restée plus longtemps à Soyaux ?
Après Soyaux, y a une part de malchance aussi. Quand je suis sortie du Pôle, je rêvais d'aller jouer aux États-Unis. J'étais dans le viseur de l'une des meilleures universités du pays : la Florida State. C'était quasiment bouclé. À côté de ça, Soyaux voulait me garder. Je leur ai dit tout de suite que ma priorité, c'était d'aller jouer aux États-Unis. Dans le foot de haut niveau, il ne faut pas être si honnête, tant que rien n'est signé. Au niveau des notes, ce n'est toutefois pas passé. Le coach m'a dit que l'université ne voulait pas passer au-dessus.
J'ai fait marche arrière et j'ai dit à Soyaux que ça ne se faisait pas cette année-là et que j'étais prête à rester. Eux, en attendant, ils l'ont mal pris. Du coup, je suis partie à Saint-Étienne. Avec du recul, j'aurais dû attendre d'être certaine pour les États-Unis avant d'en parler. En même temps, je voulais être honnête.
En mai 2021, vous participez et remportez le premier concours d'éloquence de la D1, sur le thème : "non-assistance à sportif en danger". Considérez-vous cette victoire comme un moment important dans votre carrière ?
C'est vrai que c'est un moment important. C'était hyper riche. Entre les gens de l'association Prométhée Education, qui nous ont fait les cours. Ou le fait de partager, avec celles de l'équipe qui sont inscrites, autre chose que du foot. De l'avoir gagné, je suis contente. La plus belle victoire, c'est toutefois d'avoir pu parler de ce sujet-là à la Fédération Française de Football. Quand je me suis inscrite, je n'ai pas du tout imaginé gagner. Je voulais avoir un temps de parole sur ce sujet-là, parce que c'est un sujet tabou et qu'il faut absolument faire avancer les choses.
Le discours est assez poignant. Avez-vous pu le voir de très près durant votre carrière ?
Je l'ai vu de près. Ce qui m'a perturbé, c'est de me dire que j'étais à Clairefontaine. Ce n'est pas là que l'on manque de moyens. J'ai des souvenirs quand on était au Pôle, on était loin de nos familles. On était contentes d'être là, mais partir loin de chez toi et être dans un environnement comme ça, c'est quand même très prenant, exigeant. Il y a de la pression assez tôt. Je me souviens qu'on avait des réunions sur la diététique, la nutrition, le sommeil. Cependant, on n'a jamais rien eu sur tous les sujets qui sont importants durant l'adolescence. C'est là où je me suis dit que si même dans l'antre du foot français, on n'a pas ça, qu'est-ce que ça peut être dans un petit club ? C'est une cause, pour moi, qui est trop importante et trop délaissée. Dans la tête des gens, le sportif c'est quelqu'un de fort, quelqu'un qui suit et qui ne dit rien. Le sujet n'est pas assez pris en compte par rapport au nombre de personnes victimes.
Pourquoi avoir fait le choix de rejoindre Sassuolo et l'Italie l'été dernier ?
Ça fait un moment que je voulais jouer à l'étranger. J'ai déjà essayé l'année dernière, où je ne devais pas aller à Soyaux. J'ai dit à l'agent que c'était l'étranger ou rien. Je voulais vraiment changer d'air. Sauf qu'il a fait n'importe quoi. Mais après, je me suis dit qu'un an avec un préparateur, seule, ça pourrait être compliqué. Et j'ai eu l'opportunité Soyaux, ça restait quand même de la D1. Je suis arrivée à Soyaux et j'ai dit tout de suite que c'était l'étranger qui m'intéressait. Je me donnerai à fond, mais je ne signe qu'un an. Puis, j'ai changé d'agent et j'ai eu des propositions. Celle de Sassuolo m'a le plus convaincu. J'aime beaucoup l'Italie et j'avais vu qu'elles avaient terminé troisièmes, à un point de la Ligue des Champions. C'était la proposition la plus intéressante sportivement que j'ai eu sur cet été-là.
Donc un départ en Italie, ce n'était pas forcément la priorité ?
J'avais ciblé les grands championnats européens, c'est-à-dire l'Italie, l'Espagne, l'Angleterre et l'Allemagne. J'avais une préférence pour l'Espagne et l'Italie, dans le style de jeu qui est le mien, plus que l'Angleterre ou l'Allemagne. Après, j'ai eu des pistes un peu plus exotiques, mais ce n'était pas l'objectif. Je voulais quand même un projet sportif.
En ayant l'ambition de devenir entraîneur plus tard, Sassuolo semble être parfait. De la progression du club ces dernières années, mais aussi dans le style de jeu offensif. Ça a dû jouer dans la décision finale ?
J'ai eu un bon feeling. J'ai parlé aussi avec des gens qui connaissaient mieux le foot italien. J'ai vu qu'elles étaient bien classées, qu'il y avait un vrai projet de continuer à progresser. En tant que joueuse, c'est une expérience qui est trop belle. Même en souhaitant devenir entraîneur, ça donne une langue en plus, une façon de travailler qui est quand même différente, un championnat différent. C'est une ouverture d'esprit que je souhaite à toutes les joueuses. Je pense qu'il y en a plein qui n'osent pas faire le pas ou qui n'ont pas l'occasion. Une fois que tu es à l'étranger, tu te demandes pourquoi tu ne l'as pas fait plus tôt.
Comment jugez-vous vos débuts avec Sassuolo depuis votre arrivée ?
Je suis contente de ce que j'ai produit. Après, malheureusement, j'ai eu des pépins physiques. Quand je suis arrivée, j'ai commencé à être bien physiquement. Juste avant le début du championnat, j'ai eu le Covid. Et j'étais cas contact d'abord, donc j'ai fait 20 jours d'isolement. Quand je suis arrivée, je n'avais pas encore d'appartement. Donc j'étais à l'hôtel que le club me prenait. La reprise a été compliquée. Il a fallu que je refasse une préparation. Ensuite, le coach m'a donné ma chance, et il m'a fait confiance assez vite.
Je pense que j'ai fait des bons matches. Puis après, je me suis blessée au mollet. De nouveau trois semaines loin des terrains. L'équipe a continué de gagner et depuis que je suis revenue, je joue un petit peu moins, parce que l'équipe tourne bien aussi. Il faut que je sois patiente. Je sais que je ferai en sorte que ça tourne. Je suis contente de ce que j'ai apporté quand j'ai pu le faire, mais du coup, je suis déçue parce que j'ai eu des pépins qui font que je peine un peu plus à enchaîner les matches et à m'imposer. J'espère que la deuxième partie de saison me laissera un peu plus tranquille pour pouvoir enchaîner les matches. Après, à part ça, je suis bien ici !
Quel regard portez-vous sur le football italien ?
En France, dans le football féminin, on a vraiment l'idée qu'on était le championnat en avance, avec l'Allemagne. Je l'ai souvent entendu. Je suis arrivée en pensant que ça serait un cran en-dessous de ce que j'avais vu en France. Alors que pas du tout ! C'est en développement, c'est certain. J'ai du mal à comparer. C'est un football totalement différent. On a tout le temps le ballon ici. C'est un jeu vraiment collectif. Je trouve qu'en France, on est beaucoup plus sur un jeu de 1 contre 1. Il y a beaucoup de duels. Ça va d'une défense à l'autre, où l'arrière centrale joue long. Au milieu, c'est une bataille aérienne, où il faut jouer les deuxièmes ballons. Ici, ça n'existe pas. En Italie, et encore plus avec le coach qu'on a, ça repart court, ça joue entre les lignes.
"La France a organisé la Coupe du Monde, ok c'était une réussite, les stades étaient plein, mais derrière qu'est-ce que ça a changé pour les joueuses ?"
- La milieu de Sassuolo
J'imagine que vous prenez plus de plaisir à jouer en Italie ...
Oui, ça rien à voir ! Les deux dernières années en France, au milieu, j'avais la tête tout le temps en l'air, à jouer les deuxièmes ballons. Ce qui n'est pas trop mon jeu. Alors que là, c'est technique. Même aux entraînements ! Ça dépend dans quel club, mais en France, on est souvent avec le préparateur physique, on touche beaucoup moins le ballon. Là, on fait l'échauffement avec le préparateur, mais après, c'est que du jeu. Tout est football.
Est-ce que ce n'est pas relatif à Sassuolo, qui est surtout connu pour avoir une philosophie de jeu assez séduisante ?
Oui, je pense. Je discute souvent avec les filles de la Juventus, l'AC Milan etc ... Elles trouvent que l'on est la plus belle équipe à regarder jouer. Je suis peut-être influencée par le fait que Sassuolo soit mon club. Mais, la dernière fois, on a joué contre l'Inter. J'ai parlé avec Gouthia (Karchouni), et elle m'a dit la même chose : "Je me régale ici, c'est trop cool, c'est technique, c'est le football". Le premier truc qui revient, c'est le football.
Ces dernières années, les gros clubs italiens (Sassuolo, Milan, Juve ...) accordent beaucoup plus d'importance au foot féminin. Est-ce qu'on peut dire qu'il est en plein essor ?
Il y a tellement des gros noms chez les garçons, que de toute façon, le jour où ils s'y mettront un petit peu plus, ça serait toujours plus que chez nous. Il y a l'Inter, la Juventus, le Milan, Naples .... Même en terme de qualité de vie ! C'est un pays qui attire, c'est un pays de football. Je pense que d'ici pas longtemps, il y aura plus de joueuses étrangères. L'année prochaine, le championnat devient complètement professionnel, ce qui n'est pas le cas en France. Il y aura une sécurité pour la joueuse. Le tournant a été pris ! J'ai aucun doute que ça sera au-dessus du football français.
La France a organisé la Coupe du Monde, ok, c'était une réussite, les stades étaient plein, mais derrière qu'est-ce que ça a changé pour les joueuses ? On n'a pas eu un supporter de plus dans les stades, ça n'a rien changé en termes de conditions financières, en termes de conditions d'entraînement. Je me souviens à la Coupe du Monde, ils faisaient des reportages sur l'OL, le PSG. J'avais des amis qui me disaient qu'on était bien dans le foot féminin en France. Mais ce n'est pas la réalité des autres clubs !
Le championnat reste également plus ouvert ?
Pour moi, c'est l'une des plus belles choses. Le championnat est plus ouvert. En France, si tu veux étoffer ton palmarès, il faut aller à Lyon ou Paris. Ici, quand on a reçu la Juventus, les filles dans le vestiaire se préparaient vraiment pour gagner. J'ai beau être compétitrice, ça fait longtemps que je n'ai pas ressenti ça. Quand on jouait Lyon ou Paris, tu te préparais à limiter la casse, pour essayer d'en prendre le moins possible. Tu ne te prépares pas pour gagner, parce que tu sais que c'est impossible. Ici, même en Coupe d'Italie, tu la joues en te disant que tu peux la gagner. La Supercoupe, on a perdu en demi, aux penalties ! En France, tu joues la Coupe de France, tu attends de prendre Lyon ou Paris au tirage et tu sais que ton aventure est terminée.
C'est la première fois, en Supercoupe, où je me suis dit que j'avais une chance d'inscrire quelque chose à mon palmarès, ce que je n'aurai jamais pensé en France parce qu'il y a trop d'écart. L'OL et Paris sont trop au-dessus du reste. Là, la Juventus est au-dessus, mais elle peut être accrochable, elle peut perdre des points. Il y a une reconnaissance de se dire que je peux gagner un titre. C'est trop enrichissant, tu te prépares différemment que contre Lyon, où tu es contente parce que tu n'en a pris que 3.
Dans cette fin de saison, vous êtes en cours pour la qualification en Ligue des Champions. Vous êtes troisième, à trois points de l'AS Roma (2e). C'est un objectif pour vous de la disputer, surtout avec ce nouveau format-là ?
Oui, forcément. Ça rejoint ce que je disais avant. Je n'ai jamais été aussi proche d'y être que cette année. J'espère qu'on réussira. Après, l'AS Roma a un effectif armé pour réussir à l'atteindre. La Juventus a un peu d'avance. Il y a le Milan, il y a l'Inter qui revient aussi pas mal. Ça va être compliqué jusqu'à la fin de saison, c'est certain. Après, on a une belle équipe, je pense que c'est jouable aussi. On a montré, en tout cas sur la première partie de saison, qu'on peut l'atteindre. Première année à l'étranger, aller en Ligue des Champions, ça serait trop beau ! On va essayer d'aller le plus haut possible mais je pense que c'est quand même moins omniprésent qu'à la Juventus ou à l'AS Roma, où c'est l'objectif d'entrée.
Surtout quand on voit ce que la Juventus réalise actuellement en Ligue des Champions. En allant en C1, Sassuolo aurait un réel coup à jouer. En affrontant l'OL et le PSG, vous ne serez certainement pas dans la même optique que vos précédentes confrontations en D1...
Là, j'ai hâte de voir la confrontation contre la Juventus ! Je pense que Lyon a quand même un temps d'avance. Mais tu prépares le match différemment. En se disant pourquoi pas un exploit ? Avec certaines équipes de D1, l'exploit tu sais que tu le feras jamais, ou que c'est super compliqué.
Il y a l'Euro cet été. Et il y a un Italie - France qui se profile. Qu'est-ce que vous pensez de la sélection italienne ?
C'est à l'image de leur championnat. Ça se développe quand même de plus en plus. Et ce n'est plus la sélection d'il y a 3 ou 4 ans, qui prenait des scores un peu lourd. Les joueuses sont dans une réelle continuité par rapport à ces dernières années. Il y a vraiment de bonnes joueuses. Sur un match, la France a encore, à l'heure actuelle, un temps d'avance.
Et pour la victoire finale, vous voyez également les Bleues ?
Il y a beaucoup d'équipes qui peuvent y prétendre. Après, je connais pas mal de joueuses en Équipe de France. En terme de talent individuel, je pense que c'est une des meilleures sélections. Après, il faut voir ce que ça donnera collectivement !
"On a de la chance d'avoir Jean-Michel Aulas qui est Français et qui a toujours cru dans le foot féminin."
- L'ex joueuse de Soyaux ou Paris FC
Vous avez été U16, U17 et U19 avec les Bleues. Vous êtes encore assez jeune, est-ce que ça peut être un objectif de rejoindre l'équipe première tricolore ?
Comme toute joueuse compétitrice, ça a toujours été un objectif. Ces dernières années, je n'ai pas assez performé. Et le fait d'avoir un petit bougé, ça n'aide pas. Pour l'instant, c'est même plus un rêve qu'un objectif. De toute façon, ça passe par le club. Donc, pour l'instant, je me concentre sur le club. Je me dis que je vais avoir 26 ans, donc je ne suis pas vieille, mais il y a des jeunes qui arrivent et qui sont plus l'avenir que moi. C'est quand même plus rare d'appeler une joueuse pour la première fois quand elle a 27 ou 28 ans.
Quel regard portez-vous sur l'évolution du foot féminin en France ?
Je pense qu'on n'avance pas assez vite. C'est certain qu'il n'y a pas que des défauts non. Il y a eu du progrès. Le foot féminin est désormais diffusé à la télé. Les stades sont quand même plus jolis qu'il y a quelques années ! Je pense que ça progresse, mais ça pourrait progresser plus vite. C'est pour ça qu'Ada Hegerberg a tapé un peu la fédération. C'est un peu le sentiment qui est partagé par, je pense, beaucoup de joueuses. Oui, ça avance, mais ça pourrait aller plus vite. Parce que l'Espagne, il y a quelques années, il n'y avait pas grand chose. L'Angleterre, ce n'était pas au niveau de la France. Maintenant, il n'y a pas photo, quand on voit les stades dans lesquels ils jouent, le nombre de gens qui viennent. Il faudrait accélérer un petit peu, au risque de se faire vraiment doubler. Et après ça va être compliqué, de suivre. Je pense quand on a de la chance d'avoir Jean-Michel Aulas qui est Français et qui a toujours cru dans le foot féminin. Sans lui, ça ne se serait pas développé aussi vite.
On a l'impression que la fédération mise beaucoup sur les Bleues, en mettant en avant Paris et Lyon, et délaisse tous les autres clubs à côté...
Oui, je pense. Quand l'Équipe de France joue, c'est souvent plein. Après, c'est un avis personnel, mais je pense que le championnat fait que la France n'est pas allée plus loin dans les compétitions. Il y a quelques années de ça, Lyon se déplaçait et gagnait 12-0. Quel intérêt pour les joueuses de Lyon, donc les joueuses de l'Équipe de France d'aller gagner 12-0 ? Il y a trop d'écart.
Là, je pense que l'écart s'est quand même réduit. Mais il y a encore trop d'écart. Il faudrait se concentrer pour développer absolument les plus petites équipes. Pour qu'une fille qui n'est pas titulaire à Lyon se dise : "OK, je vais aller dans tel club et je ne vais pas trop perdre au change". Il y a quelques années de ça, une joueuse préférait faire la doublure à Lyon ou à Paris plutôt qu'aller jouer dans un autre club. Parce que l'écart de niveau et d'infrastructures était trop important.
C'est aussi au niveau du staff technique que la différence peut se faire ?
Ce n'est pas parce que tu as été un grand joueur que tu seras un grand entraîneur. Mais tu as une autre sensibilité. Notre entraîneur, Gianpiero Piovani, a joué en Serie A. L'entraîneur des gardiens, Raffaele Nuzzo a été remplaçant à l'Inter. Il a gagné la Coupe de l'UEFA. On a un adjoint, on a deux préparateurs, ça ressemble à un staff que tu vas retrouver dans les top équipes françaises. Pas forcément à Lyon ou Paris, mais à Montpellier, Bordeaux... Tu as le team manager qui s'occupe de l'extra-sportif, tu as deux magasiniers qui installent tout dans les vestiaires. Quand tu es joueuse, c'est valorisant. Tu arrives et tu ne penses qu'au foot.
Tu es placée dans les meilleures dispositions pour ne penser qu'au foot. C'est ça aussi que les joueuses dénoncent. Les gens disent que l'on veut les mêmes salaires que les garçons. Ce n'est pas ça ! On sait très bien qu'on ne rapporte pas ce qu'un garçon rapporte. C'est logique, qu'à l'heure actuelle, on ne possède pas les mêmes salaires. C'est sur toutes les choses autour ! En France, en terme de reconnaissance de la joueuse, on peut faire mieux.