Interview : Les origines et conséquences du conflit russo-ukrainien sur le football européen

Une manifestante pour la paix en Ukraine.
Une manifestante pour la paix en Ukraine. / Anadolu Agency/GettyImages
facebooktwitterreddit

Dans un contexte politique délicat, le conflit russo-ukrainien a pris une toute autre tournure ces dernières heures avec l'entrée sur le territoire ukrainien de troupes armées russes. Plusieurs frappes ont été effectuées par l'armée russe alors que le conflit prend des allures de guerre, à laquelle les Etats européens et l'OTAN ont répondu en apportant leur soutien à l'Ukraine tout en annonçant de lourdes sanctions à l'encontre de Vladimir Poutine et de la Russie.

Dans ces conditions, l'UEFA a pris elle aussi des mesures fortes en annonçant ce vendredi la relocalisation en France de la prochaine finale de la Ligue des Champions, qui devait se tenir en Russie.

90min s'est intéressé aux origines du conflit et ses conséquences sur le football en allant à la rencontre de Kévin Veyssière, créateur du compte Twitter FC Geopolitics, mêlant football, histoire et géopolitique. Un compte qui s'est rapidement imposé comme une référence en matière de géopolitique du football, permettant de comprendre les grandes lignes de l'actualité par le prisme du football. Une volonté de vulgariser l'information pour la rentre accessible à tous.

Avec les récents événements en Ukraine, le FC Geopolitics s'est penché sur le conflit russo-ukrainien, malgré un contexte encore flou. Eclairages.


90min - Pourriez-vous nous dresser un petit tableau des origines de ce conflit russo-ukrainien ?

FC Geopolitics - Cela émerge de cette situation qu'il y a depuis 2014. L'Ukraine devait faire des choix économiques et stratégiques entre soit l'Union Européenne et la Russie et finalement durant cette période-là, le président de l'époque qui était Viktor Ianoukovytch avait fait le choix de la Russie, ce qui a provoqué des premières manifestations pro-européennes du côté de Kiev notamment et surtout dans toute la partie Ouest du pays. Une partie de l'Ukraine étaient plus tournés vers la Russie, surtout la Crimée, qui ont commencé à faire sécession puis aussi les zones du Donbas.

Et c'est cette situation qui a fait qu'il y a eu un conflit avec plus de 10 000 morts et un million de déplacés. Et depuis, ça a toujours été un conflit un petit peu latent et le principal problème c'est que d'un côté l'Ukraine veut retrouver l'entièreté de son territoire, notamment la Crimée, et de l'autre c'est la Russie qui veut récupérer un petit peu son pré carré soviétique.

Et donc on en est arrivé à cette escalade-là.

Pourquoi a-t-on assisté à une telle escalade dans les tensions dernièrement ?

D'un côté la Russie commençait à placer des troupes le long de la frontière parce qu'elle se sentait oppressée par l'OTAN et de l'autre il y avait effectivement les Etats-Unis etc. qui alertait sur le fait que la Russie commençait à reprendre du poil de la bête.

La Russie a reconnu les deux républiques séparatistes du Donbas, que sont Donetsk et Louhansk et Vladimir Poutine a décidé d'engager le conflit en Ukraine, notamment pour récupérer certains territoires qui appartenaient à la Russie à l'époque de l'empire Soviétique.

Quels sont les impacts que ce conflit pourrait avoir sur le football ?

Pour l'instant c'est encore flou, on ne le voit pas encore véritablement. Les décisions qui ont été prises c'est pour l'instant au niveau de l'UEFA qui a décidé de délocaliser la finale de la Ligue des Champions, qui devait avoir lieu à Saint-Pétersbourg, qui aura finalement lieu à Paris.

Et après, on voit que les principales compétitions qui devaient avoir lieu en Russie sont pour l'instant décalées ou annulées. Concernant l'impact, on attend encore les décisions mais après quid de savoir si l'équipe e Russie ou si les équipes de Russie peuvent être exclues de compétitions. Pour l'instant il n'y a pas eu de décisions qui ont été prises en la matière, ça pourrait être une option mais je pense que les organisations sportives internationales sont plutôt prudentes.

Il faudra donc attendre encore un peu pour voir les véritables retombées sur le sport. En tout cas ce qui est sûr c'est qu'au niveau de l'Ukraine, le championnat de football est suspendu et il y a aussi plusieurs sportifs qui utilisent leur influence pour rappeler qu'en ce moment il y a la guerre et ils diffusent des messages pour appeler à la paix.

Quelles sanctions sportives pourraient freiner les ardeurs russes dans leur entreprise ?

A mon avis, cela ne va pas beaucoup les freiner. Il y a déjà des sanctions économiques qui sont prises, on voit que cela ne les freine pas pour autant. Ce qui pourrait encore être envisagé serait une exclusion de l'équipe de Russie de football de la Coupe du monde au Qatar, ou l'exclusion d'autres équipes, dans d'autres sports.

Mais pour l'instant on en est très loin. Et le seul cas de figure que je vois c'est le cas de la Yougoslavie en 1992 à la suite du vote de la résolution de l'ONU. Mais après la problématique c'est que la Russie est quand même membre du conseil de sécurité de l'ONU...

Il est intéressant de voir que le monde du sport est l'un des premiers à se mobiliser et à porter une voix commune pour annuler les différentes compétitions en Russie, mais de là à voir une exclusion des équipes russes, ça reste à voir. Parce que c'est quand même très compliqué à mettre en place.

La solution ne viendra que de la part des gouvernements : cette solution ne sera que diplomatique.

Et au niveau des clubs, certains venus d'Ukraine notamment pourraient-ils être greffés à d'autres championnats ou au championnat russe par exemple ?

Effectivement, on verra si cela se confirme et si l'UEFA est prête à prendre de telles décisions mais oui c'est vrai que la Russie pourrait être exclue de l'UEFA. Le football est un petit peu le corolaire de ce qu'il se passe dans la société donc pour l'instant le championnat ukrainien est suspendu parce qu'effectivement la situation là-bas ne permet plus d'organiser la compétition dans de bonnes conditions.

L'UEFA joue-t-elle avant tout un rôle géopolitique plutôt que sportif ?

C'est une vaste question. La ligne de conduite de l'UEFA c'est de dire que le football n'est pas politique. Mais là, compte tenu de l'événement, elle a dû prendre une décision politique en déplaçant la finale de la Ligue des Champions.

L'UEFA s'intéresse d'abord au football, les questions politiques ça vient après. Mais la situation est tellement nouvelle pour tout le monde qu'il y a donc des décisions exceptionnelles. Et à mon avis ça va se poursuivre parce que la situation est exceptionnelle.

L'UEFA peut-elle remettre en question son contrat avec son partenaire Gazprom ?

C'est un petit peu compliqué parce que l'UEFA est une organisation qui ne dépend pas d'Etats. Mais s'il y a des démarches fortes qui sont prises au niveau de l'Union européenne par rapport à Gazprom, je pense que l'UEFA pourrait peut-être suivre. Nous ne sommes qu'au début des éventuelles conséquences sur le sport donc on ne peut pas vraiment anticiper ce qu'il va se produire.

Plusieurs pays qui devaient disputer des barrages de qualification à la Coupe du monde ont refusé de se rendre Russie. Cela peut-il impacter la Russie ?

Ça peut impacter l'image de la Russie. Pour l'instant l'UEFA a proposé que les matchs de barrages de la zone européenne pour la qualification à la Coupe du monde se jouent sur terrain neutre. Le communiqué de la fédération de Pologne, de Suède et de République Tchèque indiquait qu'ils ne voulaient pas jouer en Russie en raison du contexte militaire actuel. Là ça va se jouer sur terrain neutre mais la réponse je pense qu'on ne l'aura que dans un mois.


Pour aller plus loin :

Suivez Kévin Veyssière sur Twitter

Suivez le FC Geopolitics sur Twitter

Suivez toute l'actualité du FC Geopolitics sur ses différentes plateformes