Interview Mélody Donchet : La championne du monde se confie sur le développement du Freestyle et son rôle d'exemple
Par Olivier Halloua
Quittons les sphères du football traditionnel pour rallier celles du freestyle. Nous sommes allés à la rencontre de Mélody Donchet, six fois championne du monde de la discipline. Lors de la nouvelle édition des Mondiaux ce week-end à Valence, la star française se présente comme favorite. Tout en décontraction, elle nous évoque ses projets à court comme moyen terme puis ses ambitions pour son sport en vogue. Entretien.
Désormais, vous possédez six titres de championne du monde. Quel est votre objectif pour ce week-end ?
Mélody Donchet : Ecoutez, je me sens bien. Je ne me sens pas forcément prête puisque je n'ai rien préparé (rires). Si je gagne tant mieux, si je perds, tant pis. Cette année, je ne me sens pas dans un esprit de compétition à fond. En cas de défaite, je vais vite m'en remettre.
Pour être honnête, je ne me sens pas en forme. Après tous les ans je dis ça, mais je gagne au final (rires). Donc cette année, je ne fais aucun pronostic. J'affronte ma rivale polonaise en demi-finale. Elle est en pleine forme, elle, et n'a aucun problème physique.
Au premier tour, j'affronte une adversaire que je dois battre. Si elle est là, c'est qu'il y a une raison, mais si je ne me rate pas, ça devrait passer. Ensuite, à moi d'assurer.
Vous vous sentez quand même favorite ?
MD : Forcément vu que j'ai six titres. Mais après il y a la Polonaise Aguska Mnich et d'autres qui peuvent aussi l'emporter. J'affronte Aguska en demi-finale dans le tableau donc pas en finale comme d'habitude. Si je gagne, ça devrait le faire pour la finale. Je tombe contre elle à la fin tout le temps depuis 2016.
Je n'ai perdu qu'une seule fois en 2018 et sinon 2016, 2019, 2020 je l'ai battu. On verra bien. Tout le monde s'entraîne à fond et moi je ne vais pas voir la scène avant l'événement. Je préfère me reposer pendant trois jours. Je n'ai pas envie de toucher de ballons avant les championnats.
Votre regard sur la montée en flèche de le popularité du freestyle ?
MD : Je trouve que ça évolue pas mal. Le freestyle se répand énormément dans le monde, il y a de plus en plus de freestylers. C'est notre rôle de développer cette discipline et on est sur la bonne voie, je pense.
Comment le faire découvrir encore plus ?
MD : Il faut plus de médiatisation forcément. Plus de gens nous voient, plus de gens auront envie de commencer ce sport. Heureusement, on a les réseaux sociaux aujourd'hui. Les gens nous suivent et ont envie de se lancer. Instagram, Tik Tok ou d'autres nous donnent la visibilité.
Vous ressentez-vous comme un exemple pour les jeunes filles à l'image d'Eugénie Le Sommer dans le foot classique ?
MD : Quelque part oui. À chaque fois que je gagne une compétition, ça fait du bruit. La presse en parle beaucoup. Je reçois de nombreux messages de parents ou d'autres disant que leurs filles ou petites-filles veulent se lancer dans le freestyle grâce à moi. C'est toujours appréciable. Je suis contente que ça ait pu lancer des passions.
Vous voyez de plus en plus de jeunes filles se lancer dans le freestyle ?
MD : De plus en plus, je ne sais pas. Quand je fais des événements ou des prestations, je vois des jeunes filles qui viennent me parler. Elles me disent qu'elles me suivent depuis longtemps. Elles connaissent le freestyle grâce à moi. Aussi, j'ai une adversaire colombienne qualifiée pour ce top 8 demain soir. Elle m'a dit clairement que j'étais son idole alors que c'est ma concurrente (rires). Je ne tomberais pas contre elle, c'est Aguska qui devrait la battre. Mais, ça fait plaisir.
Vous verriez votre discipline légitime aux JO 2024 ?
MD : On aimerait bien. On sait qu'il y aura le breakdance en 2024 qui fonctionne un peu comme nous. Notre compétition ressemble beaucoup avec une scène, des juges et des spectateurs aussi. On est jugé sur des critères lors de trois minutes trente secondes. Alors, on sait que ça ne sera pas pour 2024, mais ceux d'après pourquoi pas. Moi, je ne pourrais pas les faire puisque je serai trop âgé. Mais c'est notre objectif pour la suite, on travaille pour ça. On a nos compétitions avec les championnats du monde, mais il manque les JO (rires).
Avec six titres de championne du monde, votre carrière est derrière vous. Quel est votre objectif pour la suite ?
MD : J'aimerais ouvrir des écoles dans ma région. Il n'y a pas de freestylers dans l'Hérault. Ensuite, je voudrais créer ma marque, raconter mon histoire et faire développer la discipline. Il faut que les jeunes se lancent dans ce sport.
Vous auriez aimé poursuivre dans le football classique ?
MD : J'ai appris le freestyle quand je me suis blessée à dix-huit ans. Et à ce moment-là, j'aurais aimé poursuivre oui. Mais, maintenant je ne regrette rien. Je suis quelque part contente de m'être cassée le genou (rires). Sans cette blessure, je n'en serais pas là aujourd'hui.
Cette blessure vous gêne toujours ?
MD : Elle me gêne toujours depuis douze ans. J'ai toujours des douleurs. Je vis avec disons. Et j'adapte mon freestyle en conséquences. Il y a des figures que je ne peux pas et que je ne pourrai jamais faire. Je compense avec d'autres gestes tout aussi impressionnants et ça fonctionne je crois (rires).
Comment on s'adapte à une telle blessure dans le freestyle ?
MD : Quand je m'entraine, je fais les gestes. Si je vois que j'ai mal ou que c'est impossible, je passe à autre chose. Je n'ai pas toute la mobilité de mon genou. Je n'ai pas de flexion complète ni d'extension complète depuis douze ans. J'ai la rotule qui se bloque quand je fais une extension complète. Le genou va se bloquer si je le fais en compétition. Et après il faut le débloquer à la main, donc c'est à éviter (rires).
Enfin, comment décririez-vous votre discipline en trois mots ?
MD : Sport. Art. Liberté. Surtout liberté parce qu'on s'entraîne quand on veut sans coach, sans personne. Et on voyage. On est libres de faire ce qu'on veut.