Interview - Omar da Fonseca : "Messi, c'est Barcelone et le Barça, c'est Messi"
Par Yves-Alex M'para
Le consultant argentin préféré des Français est connu pour être un adepte du football champagne et romantique. En exclusivité pour 90min, Omar da Fonseca a accepté de se confier sur divers sujets liés au football. Celui qui commente La Liga, diffusée sur les antennes de beIN SPORTS, est aussi revenu sur son passé en tant que joueur mais aussi en tant qu'agent sportif et recruteur.
"Je suis chanceux d'avoir pu jouer dans toutes ces équipes."
- Omar da Fonseca
Revenons brièvement sur votre carrière de joueur. Vous avez connu sept clubs et deux pays. L'Argentine et la France. Quels sont les clubs qui vous ont le plus marqué ?
(il réfléchit) Tous ! En Argentine, j'ai joué à Velez Sarsfield. C'est mon club de cœur. Vous savez en Argentine, on est tout de suite lié à un club. On doit choisir une équipe et souvent, ce sont nos parents ou nos grands-parents qui choisissent. Là-bas, on peut changer de maison, de voiture, de cheval, etc. Mais on ne peut pas changer de club.
Ensuite, j'ai été au Belgrano de Cordoba (club argentin), où il y avait une euphorie terrible. En France, j'ai joué au Paris Saint-Germain. J'ai toujours voulu jouer à Paris. J'ai réussi même s'il est vrai que ma performance sportive n'était pas top. Après, j'ai eu la possibilité d'aller à l'AS Monaco. En réalité, je garde des bons souvenirs de tous ces clubs. Je suis chanceux d'avoir pu jouer dans toutes ces équipes.
Comment définiriez-vous l'Omar Da Fonseca joueur en trois mots ?
Je dirais envie, aboutissement et rêve. J'ai toujours rêvé d'être un joueur professionnel depuis mon enfance.
Vous arrêtez votre carrière en 1993. Par la suite, vous obtenez une licence d'agent en 1996 où vous gérez la carrière de plusieurs joueurs comme David Trezeguet, José Luis Chilavert et pleins d'autres. Avez-vous aimé cette période où vous étiez agent sportif ?
Oui beaucoup. Parce que j'ai choisi de l'être. Encore une fois, je le dis, j'ai eu la chance et le privilège d'avoir ce "parcours de vie". J'ai eu des opportunités. Je suis aussi devenu agent sportif parce que je connaissais beaucoup de dirigeants en Amérique du Sud. Pas seulement en Argentine, mais aussi au Chili ou en Uruguay. Et le fait d'avoir joué ici en France, m'a donné l'idée de créer une passerelle pour les Sud-américains.
Et aujourd'hui, que pensez-vous de cette profession ?
C'est un peu plus compliqué. D'ailleurs, je continue à être plus ou moins en contact avec des joueurs, des agents et des dirigeants. L'industrie du football est devenue plus importante. Ça a pris une autre dimension avec en plus les réseaux sociaux. À mon époque, je trouve que les relations avec les joueurs étaient plus intimes.
C'est un métier où il faut être assez polyvalent. Il faut être bien avec le joueur et son entourage, et avoir des bonnes relations avec les clubs.
"C'était vraiment une période où les qualités physiques passaient avant la technique pour la sélection des joueurs."
- Omar da Fonseca
Au début des années 2000, vous travaillez dans la cellule de recrutement de l'AS Saint-Etienne. Comment se sont déroulés ces trois années au sein du club ? Quel rôle avez-vous précisément ?
J'étais directeur du recrutement. Au début, cela se passait moyennement bien. Bernard Caïazzo venait de reprendre le club et nous n'étions pas très bien vu. On a fait une très bonne première année. Ensuite, il y a eu une saison où Ivan Hasek était l'entraîneur. C'était bien et j'avais eu à cet instant l'idée de pouvoir instaurer une vraie philosophie en faisant venir des joueurs sud-Américains ou Africains.
D'ailleurs, c'est à ce moment-là que Javier Pastore était venu faire des essais au club. Je voulais donner une dynamique et un style de jeu au club. Je n'ai pas vraiment réussi à le faire, car il fallait convaincre de nombreuses personnes au sein de la direction. Et à la fin, cela s'est mal terminé. Je me suis fait virer. Nous n'avions pas la même vision des choses.
Vous avez évoqué le nom de Javier Pastore. Racontez-nous pourquoi l'Argentin ne s'est pas engagé avec l'ASSE à ce moment-là ?
Pastore était très jeune quand il est arrivé. À 17 ans je crois. Il était assez maigre et paraissait un peu trop fragile. À l'époque, on regardait surtout les qualités athlétiques des joueurs. Il y avait de nombreux tests physiques. Lui, il n'était pas du tout prêt dans ce domaine. C'était un "manieur" de ballon.
À l'entraînement, il faisait ce qu'il voulait avec la balle. Je me souviens, on avait fait un tournoi à Auxerre, il avait été le meilleur joueur. C'était vraiment une période où les qualités physiques passaient avant la technique pour la sélection des joueurs . Mais techniquement, Pastore était beaucoup plus fort que les autres.
"Pour moi, il y a une différence entre jouer au football et faire de l'athlétisme."
- Omar da Fonseca
En France, on privilégie souvent les joueurs athlétiques aux techniciens. Que pensez-vous de cette mentalité ?
Je n'aime pas cette mentalité. Pas seulement en France, mais je trouve que nous sommes un peu trop dans cet esprit-là. Ça l'est un peu moins aujourd'hui, mais ça a été une "base" pendant un long moment. Mais oui, ça me contrarie dans le sens où maintenant le joueur est un peu "catalogué". On cherche souvent à savoir combien de kilomètres a parcouru tel ou tel joueur, à connaître son nombre de courses à hautes intensités ou le nombre de duels qu'il a remporté. Il y a tellement de chiffres et de statistiques.
Pour moi, il y a une différence entre jouer au football et faire de l'athlétisme. On apprend à jouer sur un terrain et pas dans une salle de sport ou de musculation. Je trouve qu'aujourd'hui, il y a une espèce de confusion entre ces deux choses. Il y a courir et il y a "l'entente avec la balle" ainsi que comprendre la complexité du jeu. Le football, c'est beaucoup plus que courir. C'est d'abord la technique pure. On ne peut pas s'imposer que par le physique. Je préfère les joueurs qui nous procurent des émotions sur le terrain.
Le Colombien James Rodriguez a déclaré, il y a quelques semaines, que les entraîneurs ne faisaient plus trop confiance aux numéros 10 et que ces coachs préféraient d'autres types de joueurs comme les ailiers forts dans le 1vs1. Êtres-vous d'accord avec lui ?
Oui. Bon, tout d'abord lui, il vient d'une tradition en Amérique du Sud où on respecte le numéro 10. À mon époque, il y avait encore plus de respect pour ce type de joueur. Pour être le numéro 10 d'une équipe, il faut avoir une technique excellente et une très bonne vision du jeu. C'est lui le métronome de l'équipe. C'est ce genre de joueur qui nous fascine et qui nous éblouit.
Passons à votre carrière de consultant sur beIN SPORTS. Vous formez un duo iconique avec Benjamin Da Silva. Si je vous demande de me citer trois matchs que vous avez commenté et qui vous ont marqué. Vous prenez lesquels ?
(Rires) C'est dur. Je me souviens du Clasico (avril 2017 3-2 pour le FC Barcelone) où Messi marque en fin de match. Il y avait beaucoup de suspense dans cette rencontre. Il y a aussi des matchs de Coupe du monde de l'Argentine contre la Belgique en 2014. Messi et Di Maria avaient fait un grand match. Et un autre match contre l'Iran où Messi inscrit un but dans les toutes dernières minutes. Mais c'est compliqué de choisir, car j'ai commenté beaucoup de matchs.
Revenons un peu à l’actualité du football. Que pensez-vous de la situation actuelle avec l’enchaînement des matchs et le manque de repos ? Plusieurs joueurs comme Toni Kroos et des entraineurs comme Klopp et Guardiola par exemple se plaignent du nombre de matchs joués…
C'était prévisible. La préparation des joueurs a été plus courte. C'était difficile de bien planifier les choses. Du coup, les matchs sont très rapprochés. Heureusement qu'il y a la règle des cinq changements (sauf en Premier League, NDLR). Il faut que les entraîneurs les utilisent à chaque match. Mais, c'est sûr que pour les joueurs c'est difficile. Même pour ceux qui ont l'habitude de ne pas avoir de soucis physiques.
Pour des joueurs qui dépassent la trentaine comme Toni Kroos, Luka Modric, Messi ou Ronaldo, ce n'est pas forcément évident de jouer très souvent comme c'est le cas aujourd'hui. D'ailleurs, la plupart des grands joueurs ne sont pas à leur niveau. Ce qui fait que le niveau des matchs baisse.
Mais la situation actuelle est vraiment particulière et difficile. Je me dis heureusement que les joueurs font des efforts. Car le football permet de divertir les différentes populations et d'occuper les gens qui adorent ce sport.
"Je pense que l'Atlético de Madrid a de fortes chances de gagner la La Liga."
- Omar da Fonseca
On se dirige vers une saison un peu particulière. Pensez-vous qu’il y aura des surprises dans les championnats nationaux notamment en Espagne ?
En Espagne, je ne sais pas si je dirais surprise, mais je pense que l'Atlético de Madrid a de fortes chances de gagner La Liga. Le FC Barcelone et le Real Madrid sont un peu sur la pente descendante avec des joueurs un peu vieillissant qui jouent trop. Les jeunes de ces deux clubs ne tiendront peut-être pas la route. Je pense aussi que la Juventus ne sera pas championne d'Italie. Ça sera peut-être une équipe comme l'Inter.
"Je voulais que Messi reste au FC Barcelone."
- Omar da Fonseca
Cet été, Leo Messi a failli quitter le FC Barcelone. Auriez-vous aimé le voir changer d’équipe lors du dernier mercato ?
Non. Je voulais qu'il reste à Barcelone. Messi, c'est Barcelone. Il a tellement donné au Barça et vice-versa. J'aimerais bien que l'histoire continue encore longtemps. Mais oui, je ne souhaitais pas son départ du club catalan l'été dernier.
Dernière question : Leo Messi ou Diego Maradona ?
Diego Maradona. Parce que c'est comme une icône. C'est lui qui a mis le football en avant. Il a vraiment fait l'unanimité. De plus à son époque, le football était rude, et plus dur. Il est aussi de ma génération. C'était vraiment un Grand personnage tendre avec ses qualités et ses défauts. Donc j'opte pour Maradona.