Jorge Sampaoli : le "Bielsista" loin d'être prophète en son pays
Par Kristen Collie
Jorge Sampaoli va rejoindre l'OM pour succéder à André Villas-Boas. Une nomination séduisante, faisant resurgir les intenses souvenirs du passage de Bielsa à Marseille.
"Bielsista" assumé, l'ancien sélectionneur de l'Argentine est, à l'image de son maître spirituel, un personnage contrasté, adulé à l'étranger et haï par sa patrie. Portrait.
Le retour de la grinta argentine à l'OM ? Plus de cinq ans après le départ de Marcelo Bielsa, un de ses disciples va reprendre le flambeau sur le banc phocéen. Après son départ du Brésil, à l'Atlético Mineiro, Jorge Sampaoli a signé un contrat jusqu'en 2023 avec l'Olympique de Marseille.
Adulé au Chili...
Milieu de terrain modeste à l'âme de leader en son temps de joueur au Newell's Old Boys, ce petit personnage (1,67m) au grand tempérament était destiné à devenir entraîneur. Après avoir fait ses armes au Pérou de 2002 à 2007, la carrière de coach de Jorge Sampaoli prend une autre dimension au Chili.
En 2011, à la tête de l'Universidad de Chile, l'un des clubs les plus emblématiques du pays, il effectue une véritable razzia en remportant le tournoi d'ouverture, la Copa Sudamericana (l'équivalent de l'Europa League sud-américaine), et le tournoi de clôture. Il est naturellement pressenti pour le titre d'entraîneur de l'année en Amérique du Sud.
Son aura au Chili est telle, qu'il prend, à partir de 2012, les rênes de la sélection nationale, succédant à un certain Marcelo Bielsa. Un parfait passage de témoin pour celui qui s'est toujours revendiqué "Bielsista".
"Il est meilleur que moi. Je le dis sans fausse modestie, il n'y a qu'à comparer nos CV. Je n'ai rien gagné. Il sait s'adapter beaucoup plus que moi. "
- Marcelo Bielsa sur Jorge Sampaoli
Après une belle campagne lors du Mondial 2014, où le Chili bat notamment l'Espagne (2-0) en phase de poules, il atteint l'apogée de sa carrière l'année suivante en remportant la Copa America face à l'Argentine de Lionel Messi.
Le tout en n'hésitant pas à aller au clash avec la star de son équipe, Arturo Vidal :
"Il aime boire et ne se contrôle pas. Il devrait consulter un spécialiste, n'avait pas hésité à balancer l'ancien sélectionneur du Chili. Quand nous sommes revenus en avion de Lima, il m'a demandé s'il pouvait boire une bière qu'il avait achetée à l'aéroport. Je lui ai répondu non."
... detesté en Argentine
"Les Argentins détestent profondément Sampaoli."
- Sebastian Ebram, 90min Latin America
Porté en triomphe au Chili, Sampaoli ne jouit pas de la même aura en Argentine, où après un passage plutôt convaincant sur le banc de Séville (2016-2017), il n'a pas eu le succès escompté avec l'Albiceleste :
"Les Argentins détestent profondément Sampaoli, avance avec véhémence Sebastian Ebram, notre confrère argentin de 90min Latin America. Il était le manager du Chili lorsqu'ils ont gagné la Copa América contre nous et il était mauvais avec l'équipe nationale (7 victoires, 4 nul, 4 défaites, NDLR)", résume-t-il.
Prisme de ce difficile mandat, le Mondial 2018 où la bande à Messi déçoit, malgré une défaite spectaculaire (4-3) en huitièmes de finale face au futur champion du Monde.
"Les résultats n'étaient pas bons et il avait des problèmes avec tous les joueurs, poursuit Sebastian Ebram. Dybala a dit un jour qu'il ne lui avait pas parlé en Russie, ni dit "bonjour" à l'entraînement. On sait que Messi, Agüero et tous les anciens joueurs le détestaient".
L'interlude brésilien
Persona non grata au sein de son pays, Sampaoli choisit alors avec pragmatisme l'exil en terre ennemie : le Brésil. Après un passage prometteur sur le banc de Santos, il entraîne depuis cette saison l'Atlético Mineiro.
"Sampaoli a fait du bon travail à Santos en terminant deuxième du championnat avec une équipe affaiblie", souligne Rodrigo Salomao, notre confrère brésilien de 90min Brasil.
"Cette saison à l'Atlético-MG, bien que l'équipe se batte toujours pour le titre (troisième à six points du leader, l'Internacional, NDLR), l'opinion générale est que l'équipe a performé en dessous des attentes. Le gros problème est qu'il a réclamé de nombreuses recrues dont plusieurs attaquants, met notre confrère en exergue.
Par exemple, Hulk vient de signer. On s'attendait donc à ce qu'il gagne beaucoup plus de matchs qu'il n'en a gagné en réalité. Son rapport dépenses-résultats pour l'Atlético, en fin de compte, n'est pas très bon", remet-il en perspective.
Un disciple de Bielsa à l'OM ?
Sous contrat jusque fin février 2021, le technicien argentin avait trouvé un accord avec l'Olympique de Marseille et l'Atletico Mineiro pour rejoindre la France.
Une alternative séduisante pour succéder à Villas-Boas, et le moyen parfait de se réconcilier avec les supporters, toujours nostalgiques de Marcelo Bielsa.
"Il se définit lui-même comme "Bielsista" et ils sont de bons amis, rappelle notre confrère argentin. Son style est ultra offensif : c'est un manager qui privilégie le 4-3-3, même si avec la sélection argentine son équipe était en 4-2-3-1."
"Il a un profil très similaire à celui de Bielsa, mais encore plus explosif. Il est très compétent, intense, il étudie beaucoup et travaille dur."
- Sebastian Ebram, 90min Latin America
Après la victoire du Chili lors de la Copa America 2015, Jorge Sampaoli analysait les différences et similitudes avec son maître spirituel :
"Bielsa a propagé cette idée de vouloir jouer à tout prix et ce peu importe le nom de l'adversaire et le lieu du match, d'égal à égal, expliquait Sampaoli avant de préciser les différences avec son prédécesseur.
Mais, le jeu développé par ses équipes est plus direct et la possession de balle est moins importante que ce que je préconise. Je privilégie davantage les attaques placées en repartant systématiquement du gardien que le pressing adverse soit important ou faible. Les fondements sont donc identiques même si la forme diffère. Je me rapprochais plus de Marcelo à mon époque de l'Universidad."
Son arrivée sur la Canebière fera donc resurgir les intenses souvenirs du passage de Marcelo Bielsa à l'OM lors de la saison 2014-2015. Pourtant, pas certain qu'il soit le meilleur candidat dans un tel contexte :
"À mon avis, son tempérament n'est pas forcément ce dont Marseille a besoin dans un contexte où le dernier entraîneur a démissionné de manière quelque peu controversée", estime Rodrigo Salomao.
Une arrivée de Sampaoli mettra quoiqu'il arrive le feu au Vélodrome.