Les oubliés : Bojan Krkic, que deviens-tu ?
Par Morgan Piot
De la lumière aux abysses, Bojan Krkic n'a pas réussi à défier cette pression médiatique oppressante, qui a condamné les espoirs du joueur de s'inscrire dans la durée avec le FC Barcelone. Analyse d'une chute inévitable.
À l'image d'autres cracks bourrés de talent, Bojan Krkic n'a malheureusement pas dérogé à la règle en étant précipité par la presse espagnole dès son plus jeune âge. Pourtant, l'avenir semblait être des plus radieux pour le natif de Linyola qui a fait ses grands débuts en Liga à seulement 17 ans.
L'ascension
Plus jeune joueur du Barça à débuter une rencontre dans le championnat espagnol lors d'une confrontation face à Villarreal au cours de la saison 2007-2008, et plus jeune joueur à prendre part à une rencontre de Ligue des Champions en devançant un certain Lionel Messi, Bojan Krkic a tout pour marcher sur les traces de son illustre père, footballeur de renom en Yougoslavie, qui a défendu notamment les couleurs de l'Etoile rouge de Belgrade.
Intronisé par ce dernier à la Masia, qui avait accepté en 1997 un poste d'assistant au sein du club, Bojan Krkic monte en flèche sous les ordres de Frank Rijkaard, qui lui accorde une confiance sans faille. Rapidement, il est comparé à Lionel Messi en référence à ses records de précocité, alimentant encore un peu plus la destinée d'une carrière riche en succès.
La pression médiatique
Dès le 1er février 2008, Bojan est convoqué par le sélectionneur espagnol en marge d'une rencontre amicale face à l'Équipe de France. Peu de temps avant le début des échéances, l'Espagnol est pris d'une crise soudaine de panique, l'empêchant de prendre part à sa première sélection avec la Roja. Complètement tétanisé par ces événements précipités, il fait part à Luis Aragonés de sa décision de ne pas disputer l'Euro avec l'Espagne. Il attendra finalement le 10 septembre pour connaître son grand baptême.
Moins en verve sur le plan personnel en Liga au cours de la saison suivante, l'international espagnol s'illustre en revanche dans la plus prestigieuse des compétitions européennes en devenant le deuxième plus jeune buteur de l'histoire de la compétition, en marge d'un quart de finale face à Schalke 04 où il débloque la rencontre.
Membre indéfectible du sextuplé inédit à l'issue de cet exercice, Bojan Krkic en profite pour devenir, à seulement 19 ans, le premier joueur du Barça à atteindre la barre symbolique des 100 matchs. Une performance inédite qui relance encore un peu plus la comparaison avec la Pulga qui s'avère finalement être son cousin, suite à des révélations de la presse catalane en 2011.
La découverte de la Serie A
Malgré plusieurs apparitions au cours des deux saisons suivantes, l'attaquant catalan n'arrive plus à soutenir sportivement la comparaison avec l'international argentin.
Considéré comme un super-sub en Catalogne, le joueur doit se contenter d'un temps de jeu famélique en C1, qui est légèrement compensé par des sorties de banc en Liga sous les ordres de Pep Guardiola qui dispose alors d'une pléiade de stars sur le front de l'attaque. Rapidement convaincu par un départ à l'été 2011 afin de redonner un coup de fouet à sa carrière, Bojan Krkic s'engage en faveur de la Roma dans l'espoir de fuir la pression médiatique qui règne à Barcelone.
Débarqué au club de la Louve contre une indemnité de transfert évaluée à 12 millions d'euros avec une priorité de rachat, valable pendant une période de deux ans, Bojan Krkic retrouve son ancien entraîneur, Luis Enrique, qui officiait auparavant avec l'équipe B du Barça.
Loin d'être dépaysé par son nouveau club et l'appréhension d'un nouveau championnat, quelque peu plus exigeant tactiquement, l'Espagnol conclut un premier exercice encourageant en prenant part à 33 rencontres en championnat (sept buts). Finalement, le joueur s'envole un an plus tard à Milan,, sous la forme d'un prêt dans le cadre du nouveau projet sportif mis en place par le club lombard.
Engagé lors de la saison 2012-2013 en Ligue des Champions, Bojan y voit une formidable opportunité de retrouver la Coupe aux grandes oreilles. Mais ses performances ne seront pas à la hauteur des attentes des dirigeants milanais, qui ne sont pas convaincus par le potentiel du joueur.
Des prêts à la pelle
À l'été 2013, l'Ajax Amsterdam se manifeste pour relancer un joueur en perte de vitesse, après un prêt loin d'être concluant à l'AC Milan.
Contribuant, à son niveau, au titre de champion des Pays-Bas où il inscrit notamment quatre buts et délivre trois passes décisives en 24 matchs d'Eredivisie, Bojan réussit à convaincre Stoke City de miser sur le profil de l'ancien Barcelonais qui débourse moins de deux millions d'euros au mercato estival 2014.
Lancé dans le grand bain en Premier League, Bojan est cependant victime le 26 janvier 2015 d'une grave blessure lors d'une rencontre de FA Cup face à Rochdale. Le couperet tombe quelques jours plus tard : rupture des ligaments croisés du genou gauche. Bojan reste sur le flanc pendant six mois.
Revenu à la compétition en marge d'un match amical contre Brentford dans le cadre de la traditionnelle préparation estivale, Bojan affiche de nouveau un niveau de jeu satisfaisant. Suffisant pour être sur la feuille de match lors d'une rencontre face à Leicester en Premier League, au mois de septembre, où il trouve le chemin des filets.
Auteur de sept buts en 27 matchs de championnat, l'international espagnol répond à la surprise générale aux exigences du championnat anglais. Mais son inconstance et son manque de régularité auront raison de sa progression dès l'année suivante. Un nouveau prêt est officialisé par Stoke City en janvier 2017. Bojan découvre la Bundesliga sous les couleurs de Mayence.
Victime de son succès au Barça, les supporters allemands placent la barre très haute lors de son arrivée, attendant impatiemment les coups d'éclat qui ont fait la renommée, huit ans plus tôt, du footballeur. Avec un statut de remplaçant, au sein d'une équipe calibrée pour jouer uniquement le maintien en championnat, Bojan n'arrive pas à s'épanouir, précipitant un nouveau départ seulement six mois après sa courte expérience allemande.
Encore prêté, cette fois-ci au Deportivo Alavés, dans un championnat qui semble lui correspondre, il fait son grand retour en Liga six ans après avoir quitté l'Espagne. Sans succès. Bojan traîne sa peine sur les pelouses espagnoles, n'affichant guère un optimisme encourageant qui lui fait alors souvent défaut.
La fin d'un long périple ?
Désormais catalogué comme un homme en perdition et en manque d'ambitions, Bojan était revenu dans la presse sur les raisons de cet échec sportif :
""J'ai commencé très tôt à Barcelone, tout a été très rapide. À la fin, quand tu as Messi qui est le meilleur joueur du monde, tu n'as rien à dire et tu dois alors t'adapter à jouer dans une autre position. "
- Interview à la Cadena Cope en 2013
Aujourd'hui, le footballeur espagnol tente de se refaire une santé sous les couleurs de l'Impact de Montréal en MLS, bien loin de cet asservissement médiatique. Et à bientôt 30 ans, Bojan Krkic semble avoir définitivement laissé derrière lui cet épisode catalan.