PORTRAIT : Qui est Alphonse Areola, l'éternel troisième gardien de l'Équipe de France

Souvent oublié, toujours présent. Cela fait près de 10 ans que l'histoire d'Alphonse Areola est liée à celle de l'Équipe de France. Pourtant, le portier n'a porté que cinq fois le maillot des Bleus. Prêté six fois par le Paris Saint-Germain, le titi n'a jamais réussi à s'imposer dans le club qui l'a vu grandir.

Le champion du monde 2018 s'épanouit enfin à West Ham après plusieurs années sur le banc de touche. À 30 ans, il espère disputer son premier Euro en 2024. Retour sur l'itinéraire d'un grand gardien souvent resté dans l'ombre.

1. Un géant dans les buts

Son talent dans les buts, le Parisien le doit en partie à des qualités physiques innées. Du haut de son mètre 95, Alphonse Areola est doté d'une immense envergure qui lui permet de prendre beaucoup de place dans la cage. Ajoutez à cela une détente et une souplesse invraisemblables et vous obtiendrez un gardien très difficile à tromper.

Malgré sa grande taille, le portier des Hammers est explosif, ce qui lui permet de sortir promptement dans les pieds des attaquants. Ces atouts font de lui un expert du un contre un. Il raffole des face-à-face et en particulier des penaltys. Un exercice dans lequel il a montré tout son savoir-faire dès son plus jeune âge. Lors de l'été 2013, en finale de la Coupe du monde U20, il sort deux tirs au but uruguayens pour permettre aux Bleuets de devenir champions du monde.

Dans les colonnes du Figaro, en 2018, Christophe Lollichon, l'ancien entraîneur des gardiens de Chelsea, lui observait toutefois des marges de progression "dans la qualité de ses déviations pour ne pas remettre le ballon en jeu" mais surtout dans son jeu au pied. "Il peut être plus fluide sur sa première touche. Il doit travailler son pied gauche qui est perfectible" estimait-il.

2. Des débuts professionnels mémorables et un sacre

Alphonse Areola débute le foot à l'âge de six ans à l'Entente Sportive des Petits Anges, un club de Paris. Il est d'abord positionné comme joueur de champ mais l'absence du gardien de but de son équipe lui fait découvrir les cages. Il ne les quittera plus jamais. Dès l'âge de 13 ans, il s'engage pour le Paris Saint-Germain où il poursuivra sa formation jusqu'à ses débuts professionnels.

Le 18 mai 2013, le Français s'en souviendra toute sa vie. Déjà assuré du titre de Ligue 1, Carlo Ancelotti décide de lancer son jeune portier de 20 ans à la mi-temps. Un moment qu'Alphonse Areola n'oubliera jamais pour une raison bien particulière. "Pour l’anecdote, c’était aussi le dernier match de David Beckham. C’était mon premier et son dernier. Le côtoyer au quotidien était incroyable, surtout pour moi qui venais d’un petit club à Paris. C’était exceptionnel de jouer dans le club de ma ville, avec lui. J’en ai profité au maximum. Tout le monde a célébré cette victoire" se souvient-il pour Koi Magazine.

Ce rêve éveillé se poursuivra puisqu'à peine deux mois plus tard, le géant d'1m95 soulèvera son premier grand trophée. Il est convoqué par Pierre Mankowski pour disputer la Coupe du monde U20 aux côtés de Paul Pogba, Florian Thauvin ou encore Kurt Zouma. Alphonse Areola sera même le héros de la finale face à l'Uruguay. Lors de la séance de tirs aux buts, il repousse deux pénaltys. Ces parades permettent à l'Équipe de France d'inscrire son nom au palmarès du dernier trophée FIFA qu'elle n'avait jamais remporté. Cet épisode marque le premier chapitre de son histoire avec les Bleus.

3. Le titi grandit loin de Paris

Malgré une première expérience dans le grand bain à Paris, c'est loin de sa ville de cœur que le diamant va se polir. Après son bel été 2013, le Paris Saint-Germain décide d'envoyer son jeune talent en Ligue 2, pour qu'il gagne du temps de jeu. Alphonse Areola débarque au RC Lens, devant un public de passionnés qui ne tardera pas à l'aduler. Rapidement, il s'impose comme un titulaire en puissance dans le XI d'un certain Antoine Kombouaré.

Dès ses premières prestations, le portier impressionne par ses immenses qualités physiques et sa maturité dans le jeu. Le public des Sang et Or est conquis et l'élit plusieurs fois "Lensois du mois" sur le site Lensois.com. En 35 rencontres, il ne concède que 31 buts soit moins d'un par match et garde ses cages inviolées à douze reprises.

Même s'il ne reste qu'un an dans le Pas-de-Calais, sa côte de popularité restera très élevée. Lors de l'été 2022, West Ham se déplace au Stade Bollaert pour un match amical de présaison. Alphonse Areola y reçoit une magnifique ovation. Après la rencontre, en zone mixte, il n'oublie pas tout ce que lui avait apporté le premier club qui lui a fait confiance : "C’était un vrai plaisir de revenir ici 9 ans après. J’y ai passé une saison exceptionnelle, je ne garde que des bons souvenirs. C’est grâce à Lens que j’ai pu montrer ce que je valais. Ça m’a beaucoup aidé pour la suite de ma carrière."

4. La culture philippine ancrée en lui

Si Alphonse Areola a pu jouer pour l'Équipe de France, c'est parce que ses parents ont quitté les Philippines. Au début des années 1990, sa mère rejoint Paris en quête d'un travail pour aider sa famille. Le gardien de but grandit dans un milieu imprégné par la culture philippine. Pour Koi Magazine, un média de société consacré à la culture asiatique en France, Alphonse Areola se rappelle : "J’ai vécu toute ma jeunesse dans cette double culture. Tous les jours à la maison nous parlions le tagalog (langue parlée aux Philippines, NDLR) Cette culture philippine est très présente dans ma vie, jusqu’à aujourd’hui."

Cette langue, il espère la transmettre à ses filles :"J’essaie, via mes parents et la mère de ma femme, de leur partager cette culture. Nous avons aussi de la famille à Londres, donc le tagalog se parle beaucoup autour d’elles." Une culture asiatique dans laquelle la famille prime. Quand on se balade sur les réseaux sociaux du portier, cette importance saute aux yeux. Pour l'international français, le cocon familial et communautaire représente la clé de voûte du bien-être.

RETROUVEZ TOUS LES DERNIERS PORTRAITS DES JOUEURS DE L'ÉQUIPE DE FRANCE

5. L'éternel prêté

Alphonse Areola ne l'a jamais caché. Son désir le plus cher, c'était celui de devenir le gardien de but numéro du Paris Saint-Germain. Longtemps il a caressé ce rêve, malgré les nombreux échecs. Après une saison concluante au RC Lens, son club formateur décide de ne pas le conserver, lui préférant Salvatore Sirgu. Il est ainsi envoyé en Corse au SC Bastia. Une fois encore, celui qu'on surnommait "Superstar" pendant sa formation parvient à s'imposer.

Or, s'il pense que cela lui ouvrira enfin les portes du PSG, c'est raté. Laurent Blanc décide de l'envoyer en Liga, à Villarreal. Le schéma se répète et sa première expérience à l'étranger est un franc succès. Cette fois-ci, c'est la bonne. Unai Emery débarque dans la capitale et décide de lui faire confiance. Alphonse Areola est enfin gardien du Paris Saint-Germain.

Malheureusement, il doit partager le poste avec Kévin Trapp. Malgré une bonne phase de poules en Ligue des Champions, il n'est pas utilisé en huitièmes de finale et c'est l'Allemand qui sera titulaire lors de la remontada face au FC Barcelone. Un épisode traumatique pour Unai Emery qui sera le premier à faire du titi l'unique gardien du PSG pendant la saison 2017/2018. Malgré un titre de champion, l'expérience sera de courte durée. Dès la saison suivante, il partagera de nouveau le banc avec un vétéran qui a pourtant perdu de sa superbe, Gigi Buffon, pas innocent à l'élimination des Parisiens contre Manchester United.

S'en suivront trois prêts consécutifs au cours desquels il connaitra diverses fortunes. Areola s'envole au Real Madrid, à Fulham puis à West Ham, où il sera définitivement transféré à l'été 2022. Celui qui rêvait de briller dans la capitale française renonce et finira par s'imposer dans l'anglaise. Au total, l'international français a été prêté six fois par son club de cœur.

6. Un footballeur ... pas fan de foot

Alphonse Areola, Benoit Assou-Ekotto, Carlos Vela, Carlos Tevez. Vous ne le savez peut-être pas mais ces joueurs de football professionnels partagent un point commun : ils ne sont pas fans du ballon rond et n'en consomment pas quand ils sortent d'un entraînement ou d'un match. L'ancien international camerounais n'hésitait pas à lancer : " Le football ne m'a jamais intéressé. C'est juste mon job, je le fais pour gagner de l'argent".

À l'instar de son homologue latéral gauche, le portier y est allé lui aussi d'une confidence similaire. Bien qu'il rêve du Paris Saint-Germain, il n'en connaît que vaguement sa prestigieuse histoire. Dans un entretien accordé au Canal Football Club en 2017, alors qu'il a enfin gagné sa place, Alphonse Areola est interrogé par l'un de ses prédécesseurs. Ronan Le Crom lui demande, photo en main, ce que lui évoquait Gerorges Carnus et Rinat Dasaev, deux anciens gardiens parisiens. Le natif de Paris parait dubitatif. Il finit par admettre qu'il ne suit que très peu l'actualité et l'histoire du football en dehors de son travail. Amusé, il ajoute : "Ma femme connaît plus les résultats de foot que moi. Quand je sors du centre d'entraînement, tu peux me parler de football : je ne connais rien. Ça m'est souvent arrivé de m'endormir devant des matchs."

7. Le cœur bleu

L'histoire d'Alphonse Areola avec l'Équipe de France est longue de quinze ans. Au sein des Bleus, le portier gravit les échelons et fait partie de toutes les sélections de jeunes, des U16 en 2009 aux espoirs en 2013. C'est justement en 2013 que son rêve bleu commence à se parer d'or avec le titre de champion du monde des U20. La suite sera pour le moins paradoxale.

Le 1er octobre 2015, Didier Deschamps décide de convoquer Alphonse Areola comme troisième gardien. Il faut dire que le portier est l'auteur d'un énorme début de saison à Villarreal. Sa première convocation résonne comme un évidence. Malheureusement, il ne dispute pas une minute et son téléphone n'affichera plus le nom du sélectionneur jusqu'en septembre 2016. Après avoir raté l'Euro en France, le Parisien se console avec un titre de champion du monde, rien que ça. Même s'il n'a pas disputé une seule minute en Russie, ce sacre demeure encore aujourd'hui le plus beau souvenir de sa carrière. "Je crois que niveau émotion je n’ai jamais ressenti quelque chose d’aussi fort sur un terrain de foot. Je dis ça alors que j’étais sur le bord, mais partout la tension était au plus haut niveau. C’est quelque chose qui m’a marqué" se remémore-t-il avec nostalgie pour Koi Magazine.

Malgré ces joies, il doit attendre trois ans après sa première convocation pour connaître sa première sélection. Le 6 septembre 2018, il porte pour la première fois le maillot des Bleus en UEFA Nations League face à l'Allemagne. Pour sa première, le géant multiplie les parades et réalise un clean sheet. Christophe Lollichon, ancien entraîneur des gardiens de Chelsea, s'enflamme dans les colonnes du Figaro : "C'est le portier le plus adapté au jeu des Bleus". Pourtant, la parenthèse enchantée ne se poursuivra pas et Areola ne vivra que quatre autres titularisations. En dix ans d'histoire commune avec l'EDF, il n'a connu que cinq petites sélections.

Qu'importe, la flamme bleue brille toujours. Pour 90min, Alphonse Areola confiait : "Malgré toutes les critiques, je suis là, j'essaye de me faire une petite place. J'ai vécu des moments exceptionnels. Maintenant on a des objectifs. Il faut se qualifier essayer de gagner cet Euro". C'est sans doute cet état d'esprit remarquable qui lui a valu le rôle d'éternel troisième gardien des Bleus.

8. La troisième est la bonne

Cela fait maintenant trois ans qu'Alphonse Areola a posé ses valises au Stade Olympique de Londres. Lors des deux premières saisons à West Ham, le titi doit se contenter de quelques matchs de coupe d'Europe et de coupe d'Angleterre. Mais, "renoncer" ne fait pas partie du vocabulaire du portier. Après un sacre en Conference League auquel il a grandement contribué, la troisième saison est celle de sa prise de pouvoir.

Lukasz Fabianski vieillissant, David Moyes confie ses cages au géant d'1m95. Et le champion du monde le lui rend bien. Alphonse Areola commence la saison tambour battant et livre des prestations XXL. Dès la deuxième journée de Premier League, il permet à son équipe de conserver son avantage face à Chelsea en sortant le pénalty d'Enzo Fernandez. Le point d'orgue de ses débuts magistraux se produit à l'Amex Stadium. Le portier dégoûte les attaquants de Brighton en réalisant neuf parades, le deuxième plus haut total pour un goal dans l'histoire de West Ham. Ses prestations permettent aux Londoniens de truster le haut du tableau en championnat. Classés septièmes, les Hammers nourrissent des espoirs de qualification européenne.

Finalement, son passage à West Ham est le symbole de sa carrière. Fréquemment sur la touche, Alphonse Areola persiste et ne cesse de travailler pour trouver sa place. Son état d'esprit et ses qualités physiques incroyables lui ont permis de traverser les années. Le temps passe et son nom reste indissociable de celui de l'Équipe de France.

De l'AS Cannes jusqu'aux sommets de la Serie A, en passant par l'équipe de France, Sébastien Frey s'est livré au micro d'Elvin de Fazio et de 90min au cours d'un long entretien où il retrace sa carrière, évoque les légendes qu'il côtoyé ou affronté, de Roberto Baggio à Gianluigi Buffon, en passant par Zlatan Ibrahimovic, Francesco Totti ou Alessandro Del Pierro, sans oublier le légendaire Ronaldo.

Abonnez-vous à notre chaîne Youtube !