Ses débuts à la tête des Bleues, les JO 2024, l'Euro 2025... Interview exclusive avec Laurent Bonadei (Partie 1)

  • Laurent Bonadei a pris les rênes de l'Équipe de France féminine au mois d'août 2024.
  • Les Bleues vont disputer la Ligue des Nations, mais aussi l'Euro durant l'année 2025.
  • Le nouveau sélectionneur tricolore s'est confié en exclusivité à 90min.
Laurent Bonadei est à la tête des Bleues depuis le mois d'août 2024.
Laurent Bonadei est à la tête des Bleues depuis le mois d'août 2024. / FRANCK FIFE/GettyImages
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Un nouveau chapitre s'est ouvert dans l'histoire des Bleues. Adjoint d'Hervé Renard en Arabie Saoudite puis en Équipe de France féminine, Laurent Bonadei a pris la suite de son ami à la tête de la sélection tricolore au mois d'août 2024. Les échéances importantes vont d'ailleurs s'enchaîner pour lui et ses joueuses au cours des douze prochains mois.

En plus de la Ligue des Nations, les Bleues vont disputer l'Euro 2025 en Suisse, l'été prochain. En exclusivité pour 90min, le sélectionneur de 55 ans est revenu sur ses débuts dans ses nouvelles fonctions, sur les axes de progression de son équipe, mais aussi sur les prochaines compétitions de l'Équipe de France féminine. Entretien.


90min - Tout d'abord, comment vous sentez-vous depuis votre nomination à la tête des Bleues au mois d'août 2024 ?

Laurent Bonadei - Je me sens bien, investi et engagé depuis quatre mois. Je suis en réflexion permanente sur les axes d'amélioration de l'équipe et du football féminin en général. J'avais exposé mon projet au Comex sur deux axes : faire progresser et améliorer l'Équipe de France, mais aussi, faire progresser le football féminin. Si le football féminin progresse dans sa globalité, c'est aussi l'Équipe de France qui va en tirer des bénéfices.

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Laurent Bonadei était l'adjoint d'Hervé Renard avant son arrivée à la tête des Bleues en août 2024. / FRANCK FIFE/GettyImages

90min - On vous sait très proche d'Hervé Renard, l'ancien sélectionneur. Comment s'est passé votre nomination à la tête des Bleues ? En avez-vous parlé avec lui avant d'être nommé ?

L.B - C'est au stage du mois d'octobre 2023 que tout a débuté. À la suite d'un entraînement, Hervé Renard me dit : "Laurent, cette équipe, elle est faite pour toi". Je lui demande pourquoi. Il me répond : "au niveau du discours, comment ça passe avec les joueuses etc...". Ce fut le début d'une réflexion qui a mûri au fil du temps. Hervé Renard a eu une ou deux propositions qui ne se sont pas faites au printemps. Moi, j'ai eu plusieurs propositions en France et à l'étranger.

Quand je lui ai fait part de deux propositions concrètes, il m'a dit : "Non Laurent, si tu veux te lancer en numéro 1, il faut que tu prennes la suite avec cette Équipe de France". Il a œuvré pour me permettre de lui succéder. Les choses ont été transparentes, loyales. Dès lors, ce ne fut pas difficile de lui succéder. Je connaissais le contexte. Je connaissais le staff, même si une partie a bougé. Je connaissais les joueuses, la hiérarchie... Je savais où j'étais. C'était un contexte idéal.

90min - Revenons sur les Jeux Olympiques 2024. Il y a cette défaite en quarts de finale, face au Brésil (0-1). Selon vous, qu'est-ce qui a manqué aux Bleues pour aller plus loin et décrocher une médaille ?

L.B - On a manqué un peu de réussite, mais aussi de maîtrise. On a eu l'emprise sur le match, la plupart du temps. On a eu l'occasion de marquer, notamment avec le penalty en début de match. On manque encore un peu de réussite avec cette tête sur la barre de Griedge (ndlr : Mbock). On a eu d'autres occasions, avec une tête de Marie-Antoinette (ndlr : Katoto) au deuxième poteau.

On se fait sanctionner sur un contre, sur une erreur d'inattention suite à une touche. Après ce but, on a manqué de maîtrise. Peut-être au niveau mental, on a manqué un peu de sérénité. On s'est un peu précipités. Pourtant, je pense qu'on avait les moyens de revenir. On faisait un bon match globalement. Mais on a senti que le match nous échappait sur la fin.

Laurent Bonadei
Laurent Bonadei a déjà connu deux rassemblements en tant que sélectionneur des Bleues / FFF

90min - Parlons maintenant de vos débuts dans vos nouvelles fonctions. Pour le moment, vous avez connu deux rassemblements, pour deux succès et deux défaites. Comment jugez-vous vos débuts en tant que sélectionneur ?

L.B - Si on se fie aux résultats purs, on se dit que c'est du 50-50, avec deux victoires et deux défaites. Donc, c'est mitigé. Après, si on se fie au contenu, aux différents essais entrepris, je me dis que c'est une bonne base. On a marqué huit buts en quatre matchs, c'est bien. En revanche, on en a encaissé sept. On se doit d'être plus solide. Certes, on a perdu contre l'Espagne (2-4). On a toutefois beaucoup mieux rivalisé que la finale de la Ligue des Nations.

On a laissé à l'Espagne que 52% de possession, ce qui reste assez rare pour cette sélection. En deuxième mi-temps, c'est nous qui avions 52% de possession. C'est-à-dire qu'on était capables de rivaliser avec elles. Ce qui a bien marché également, c'est l'état d'esprit. J'ai essayé 34 joueuses et, au niveau de l'état d'esprit que j'ai voulu insuffler, je suis assez satisfait. Toutes, sans exception, ont adhéré au projet. Elles se sont investies. C'est vraiment un point positif pour la suite.

"Personne n'est indispensable et tout le monde a sa chance."

Laurent Bonadei

90min - Vous avez pu parler des choses qui marchent bien. Mais sur quels axes de progression voulez-vous travailler lors des prochains rassemblements ?

L.B - Il faut avoir un équilibre offensif / défensif. On a encaissé un peu trop de buts. Il faut réussir à faire en sorte que le système que l'on a mis en place, qui est un peu plus porté vers l'avant, nous permette d'être un peu mieux équilibré. Ça va aussi dépendre du profil des joueuses, mais l'axe de progression, il est là : de réussir à marquer des buts et d'en encaisser moins.

Laurent Bonadei
Laurent Bonadei est en poste depuis août 2024 / FFF

90min - Comme vous avez déjà pu en parler, il y a quelque chose que l'on voit beaucoup depuis que votre arrivée. Il y a de nombreuses nouvelles têtes. Avez-vous pour ambition de renouveler cet effectif, mais aussi d'envoyer un message à toutes les joueuses tricolores ?

L.B - C'est une phrase que j'ai déjà pu dire : personne n'est indispensable et tout le monde a sa chance. Il est important d'avoir une vision à court, moyen et long terme. Le renouvellement de l'effectif doit se préparer. Ce n'est pas quelque chose qui doit être fait dans l'urgence. Avec ces quatre matchs amicaux, ça aurait été dommage de ne pas donner la chance à certaines de s'exprimer, d'essayer un autre système de jeu...

Montrer que la porte est ouverte. Mais la porte est ouverte dans les deux sens. C'est l'exigence du haut niveau avec l'Équipe de France qui se veut d'être orienté sur la performance. C'est vrai, il y a eu pas mal de nouvelles têtes sur ces rassemblements. Ça ne veut pas dire que ce sera toujours comme ça. C'était important pour moi d'avoir une vision large sur ces deux rassemblements pour me donner le maximum d'informations possibles et d'avoir le plus d'instructions possibles sur les potentiels et les forces en présence.

90min - Il y a une grande échéance qui arrive : l'Euro 2025. Le tirage au sort de la phase de poules a récemment eu lieu. La France se retrouve avec l'Angleterre, les Pays-Bas et le Pays de Galles. On parle de groupe de la mort. Partagez-vous ce sentiment ?

L.B - Le terme du groupe de la mort, on l'a déjà entendu pour les éliminatoires, avec l'Angleterre, la Suède et l'Irlande. C'est vrai que c'est un groupe relevé. On ne peut pas le nier. Mais il faut aussi se dire que nos adversaires doivent penser la même chose. Avoir la France dans son groupe, ou sur son passage dans la compétition, ce sera tout sauf une partie de plaisir pour eux. Effectivement, il faudra bien préparer cet Euro. D'abord, avec les mois qui précèdent, mais aussi avec une bonne préparation au mois de juin, avec deux matchs amicaux. Il faut être prêt pour le premier match face à l'Angleterre.

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Laurent Bonadei était présent pour le tirage de la phase de poules de l'Euro 2025. / FABRICE COFFRINI/GettyImages

90min - En parlant de l'Angleterre, il s'agit du tenant du titre. Vous avez joué les Lionesses lors des éliminatoires, mais maintenant, ce sera à l'Euro. Avez-vous de la crainte avant de retrouver une telle nation en compétition ou, au contraire, de l'excitation ?

L.B - On ne craint pas de jouer qui que ce soit, peu importe que ce soit l'Angleterre, les Pays-Bas, l'Espagne ou l'Allemagne. En revanche, on respecte tous nos adversaires, ça, c'est normal. On a eu l'occasion de jouer contre elles, deux beaux matchs, lors des éliminatoires. On avait gagné à Newcastle (1-2). D'ailleurs, j'étais sur le banc, puisqu'Hervé (ndlr : Renard) était suspendu.

Ensuite, l'Angleterre nous avait battus à Saint-Étienne (1-2). C'était deux matchs avec du beau spectacle, de l'intensité. Ici, ce sera un premier match de groupe. On sait que l'enjeu du premier match est important. Gagner le premier match, ou tout du moins ne pas le perdre, ça permet de bien rentrer dans la compétition. Donc plutôt que d'avoir de la crainte, c'est plutôt avoir de l'ambition et d'être très engagé sur ce premier match.

90min - Il y a un autre gros morceau dans ce groupe, avec les Pays-Bas. Avec l'Angleterre, ce sont les deux derniers vainqueurs de l'Euro. Il y a aussi énormément de joueuses néerlandaises d'Arkema Première Ligue, à l'OL ou au PSG. Est-ce que vous ressentez une pression particulière avant de les affronter ?

L.B - On sait que les Pays-Bas, c'est une équipe de qualité. On connaît le football néerlandais, avec l'école de l'Ajax, mais aussi le PSV, Feyenoord... On sait que c'est un pays de football. Il y a des joueuses comme Jackie Groenen au PSG ou Daniëlle van de Donk à l'OL qui ont de l'expérience. Je pense que la pression, elle sera aussi sur les Pays-Bas.

On ne redoute pas la pression, parce que, quand on fait ce métier, on doit s'en servir pour se transcender. Les deux matchs sont différents. L'Angleterre, ce sera le premier match du groupe. Les Pays-Bas, ce sera le troisième. Il y aura probablement un peu plus d'enjeu sur le dernier match contre les Pays-Bas, puisque ce sera un match pour la qualification.

"L'objectif, c'est d'aller le plus loin possible."

Laurent Bonadei

90min - Quel sera l'objectif des Bleues durant cet Euro ? Et quels sont, pour vous, les nations qui peuvent espérer aller au bout ?

L.B - Quand on est dans une compétition comme celle-ci, les objectifs, on se les fixe soi-même et on se les met très élevés. Surtout quand on est avec l'équipe de France. L'objectif, c'est d'aller le plus loin possible. D'une manière générale, les favoris, ce sont ceux qui ont déjà gagné et qui sont les mieux placés au classement FIFA : l'Angleterre, l'Allemagne...

Aujourd'hui, on est onzième au classement FIFA et on n'a encore rien gagné. On va dire que l'on n'est pas, intrinsèquement, les favoris. Ça ne veut pas dire qu'on va manquer d'ambition. Bien au contraire, on a beaucoup d'ambition dans ce championnat d'Europe. On peut dire qu'on sera le meilleur challenger de cette compétition.

Si on doit désigner des favoris ? Par rapport aux résultats récents et passés, on peut considérer que l'Espagne et l'Allemagne auront la pression des favoris sur cette compétition.

Laurent Bonadei
Laurent Bonadei a de grandes ambitions pour la suite / FFF

90min - Avant l'Euro, il y aura la Ligue des Nations. La France va affronter l'Islande et la Norvège, toujours difficiles à jouer. Il y aura la Suisse, pays hôte du prochain Euro et qui vous a récemment battu en match amical. Est-ce que ce ne serait pas la meilleure des préparations avant une telle compétition ?

L.B - La Ligue des Nations est très importante. C'est un Championnat d'Europe bis. Notre objectif sera de finir en tête du groupe et de se hisser aux demi-finales qui auront lieu au mois d'octobre. Jouer des matchs officiels de ce niveau-là, c'est très bien. D'ailleurs, on voit que dans notre groupe, la Suisse, la Norvège et l'Islande vont se retrouver aussi dans le groupe A de l'Euro.

Comme je le disais, en 2025, il y a deux Championnats d'Europe. L'un s'appelle Ligue des Nations et l'autre s'appelle Euro. Les formules sont différentes. Pour la Ligue des Nations, il y aura une phase de groupes à six matchs sur quatre mois. La compétition s'étale sur une année et donne accès à des demi-finales, sur une formule aller/retour, et une finale, également aller/retour.

Concernant l'Euro, c'est une formule plus condensée en un mois. Il y a une phase de groupes avec seulement trois matchs et puis les rencontres à élimination directe à partir des quarts de finale. Ce sont deux très belles compétitions qui donnent accès à des trophées. Pour nous qui n'avons encore jamais gagné de trophées majeurs, c'est important d'être engagés sur les deux compétitions à 100%.

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